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idées de Luther; aussi une fois adoptée, Rothmann imprima à la prédication évangélique une direction qui devait aboutir à faire substituer les doctrines des sacramentaires à celles de la confession d’Augsbourg. Münster se trouvait donc exposé à perdre la protection des princes qu’unissait la ligue de Schmalkalde et à retomber sans défense sous l’autorité spirituelle de l’évêque. Les plaintes de celui-ci rendaient le danger plus imminent. La partie de la bourgeoisie qui se tenait fermement au luthéranisme le comprit, et ne tarda point à se trouver en opposition avec l’ex-chapelain de Saint-Maurice. Au premier rang des adversaires que Rothmann se créait au lendemain de sa victoire se plaçait Van der Wieck, zélé luthérien auquel ses fonctions de syndic, les services signalés qu’il avait rendus à la cause de la réforme, donnaient dans le sénat une influence considérable. Chaque jour, la situation devenait plus tendue. Plus Rothmann se rapprochait des façons d’agir de la communion de Zwingli, plus le parti évangélique opposait de résistance. Les instincts conservateurs de la haute bourgeoisie la groupaient autour de Van der Wieck, tandis que la petite bourgeoisie, les hommes des gildes et tout ce qu’il y avait dans la ville de turbulens et d’amis de la nouveauté soutenaient Rothmann. La lutte ne se traduisait encore que par des tiraillemens et des pourparlers. L’ex-chapelain, qui mesurait toute la force de ses adversaires et craignait de s’aliéner complètement la portion la plus éclairée de la population, qui d’autre part ne voulait pas abdiquer son initiative personnelle pour devenir l’instrument d’une multitude incapable de régler les matières théologiques, n’avouait pas franchement sa rupture avec les doctrines de Wittenberg. Il équivoquait quand il était mis en demeure d’appliquer les principes de la confession d’Augsbourg, qu’il travaillait sous main à faire écarter. L’église münstéroise n’était plus un sanctuaire; c’était une arène où la controverse remplaçait les exhortations, où l’on s’occupait plus de se contredire que de servir Dieu et d’observer ses commandemens. Un tel état de choses entretenait dans les esprits des habitudes de révolte et d’indiscipline que les luthériens de Münster étaient impatiens de faire disparaître, afin de ne plus s’occuper que de l’œuvre véritablement évangélique, la sanctification des âmes et l’épuration des cœurs. Aussi la plupart des nombreux articles de la nouvelle constitution religieuse adoptée depuis le mois de mars restaient-ils lettre morte. On avait installé des écoles protestantes dans les couvons, mais l’instruction n’y portait pas fruit. Nul symptôme d’amélioration des mœurs ne se manifestait, et les désordres étaient aussi grands depuis la réforme qu’avant cette réforme, qui n’avait rien réformé. Au lieu de s’affermir, les convictions religieuses s’é-