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fabrique des cuillers et des gobelets ; tous les matins, le marché en est amplement approvisionné, et chacun vient compléter son ménage. Ces feuilles larges et résistantes servent à faire les toitures et à tapisser les murs des maisons ; l’écorce, après avoir été aplatie, est excellente pour les planchers, et les troncs restent de précieux matériaux pour les grosses charpentes. L’arbre, superbe et unique en son genre, devrait être nommé l’arbre du constructeur, disent ceux qui ont vu les Malgaches de la bande orientale occupés à bâtir des habitations.

Le takamaka[1], ainsi qu’on l’appelle dans les colonies, assez répandu sur la côte orientale et fort estimé pour les constructions, paraît croître avec prédilection dans les lieux où prospère le ravenala. C’est un bel arbre d’un aspect qui le signale de loin ; il a des feuilles luisantes, vraiment ornées par les nervures fines, régulières, se confondant au bord du limbe, et par de nombreuses grappes de fleurs blanches ; — du tronc, noirâtre et presque toujours crevassé, s’écoule une résine.

III.

En général, les herbes aquatiques de la famille des naïades, si répandues dans les ruisseaux et sur les étangs de l’Europe comme de l’Asie, n’appellent l’attention par aucun signe bien remarquable ; il faut aller à Madagascar pour voir un type de ce groupe vraiment extraordinaire. Dans les torrens et les ruisseaux, à peu de distance de Tamatave, de Foulepointe ou du fort Dauphin, et sans doute sur presque toute l’étendue de la côte orientale, croît l’ouvirandre fenestrée[2], la plus curieuse production végétale de la nature, si l’on s’en rapportait à une parole jetée au moment de la surprise par le botaniste anglais W. Hooker. L’ouvirandre a des racines fort épaisses qui s’étendent dans toutes les directions et forment de multiples couronnes ; de cette base s’élèvent des touffes de grandes feuilles qui s’étalent à la surface de l’eau, portées sur des pétioles s’allongeant plus ou moins selon la profondeur du courant ; au centre du bouquet se dresse dans la saison favorable la tige, qui se bifurque au sommet et se termine ainsi par deux branches portant de petites fleurs roses. Ce sont les feuilles, véritables dentelles vivantes, passant par toutes les teintes, du vert tendre un peu jaune jusqu’au vert sombre de l’olivier, qui donnent à la plante une beauté singulière et un caractère étrange. À ces feuilles, le parenchyme manque, les nervures, disposées avec régularité, semblent

  1. Calophyllum inophyllum, de la famille des guttifères, paraît être originaire de l’Inde ; le Calophyllum tacamahaca est particulier à Madagascar.
  2. Ouvirandra fenestralis.