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dans le lac, les palmiers, les fougères entassées, toute cette brillante végétation dont nous avons esquissé le tableau compose des paysages enchanteurs.

Comme dans l’Inde et à la Chine, à Madagascar les bambous occupent une grande place ; cette richesse, détruite ou très amoindrie en beaucoup d’endroits voisins du littoral, reste considérable sur différens points. Lorsque, sur le chemin qui conduit à Tananarive, on entre dans la région où manquent les palmiers, où devient rare l’arbre du voyageur, les bambous apparaissent sur de vastes étendues, — les vallées et la base des collines en sont couvertes. Ils sont d’espèces variées ; les uns, robustes, s’élèvent droits à la hauteur de 12, 15, 20 mètres ; les autres, plus faibles, inclinent leur tête gracieuse et légère : l’effet est charmant, étrange au possible. Au moindre souffle, les grandes cannes noueuses se courbent, les feuilles longues et minces s’agitent comme des plumes, les tiges s’entrechoquent, un frisson semble se communiquer et parcourir le champ tout. entier ; le spectateur a la joie de contempler une scène sans pareille sous d’autres climats.

Après avoir gravi une foule de collines depuis le village de Maroumby jusqu’au village de Befourouna, on atteint cette fameuse forêt d’Analamazaotra, qui, sur une largeur variable, occupe à peu près toute la longueur de l’île. Les arbres, les arbrisseaux, les lianes, les fougères, les plantes de toute sorte, pressées, mêlées, enchevêtrées, forment des massifs impénétrables ; là où les hommes ont essayé de pratiquer une voie, les ravins, les marais fangeux, les fondrières, les flaques d’eau, les pentes inégales, les roches, rendent encore le passage bien pénible. En présence du désordre sublime, du luxe d’une végétation répandant l’ombre et la fraîcheur ou par intervalles laissant passer un rayon de soleil, le voyageur demeure en extase. Il voit la plupart des arbres, des arbrisseaux, des plantes herbacées qu’il a plus ou moins souvent rencontrés dans les bois voisins de Foulepointe, de Tamatave, d’Andouvourante, et sans doute bien d’autres encore. Jusqu’à présent, nul botaniste n’a bâti sa cabane au pied d’un hazigne ou d’un baobab, aucun ne s’est installé dans une grotte pendant une ou deux saisons pour étudier cette riche nature.

Sur une île, on ne s’attend guère à constater d’une partie à l’autre du littoral de bien grands changemens dans la végétation ; cependant, sous ce rapport, les divers points des côtes de Madagascar doivent éveiller l’attention. Trop restreintes ont été les recherches pour insister sur les modifications qui peut-être existent dans la flore suivant les régions, mais il y a un fait dont il importe de se préoccuper. Les récoltes de plantes effectuées dans la contrée montagneuse, dans les vallées, au bord des rivières, au