Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de polémiques tapageuses qui ont la prétention de représenter la vie publique du moment.

Il est trop vrai, il est trop facile de le voir quelquefois, on ne peut s’accoutumer encore à cette condition nouvelle d’une nation qui sort à peine de la plus effroyable crise, et qui a tant à faire pour se relever. On ne voit pas qu’il y a des momens où, par une sorte de complicité tacite de patriotisme, tous ceux qui ont une part quelconque dans la politique, hommes publics, écrivains, journalistes, sont tenus de s’observer, de respecter le pays dans son repos, dans la dignité de son infortune, dans ses intérêts, qui restent en suspens. Ce qu’il y a de cruel dans la situation faite à la France, on le sent bien évidemment, et on le répète sur tous les tons-, mais on oublie bien vite que cette situation a des nécessités qui pèsent sur tout le monde. On se laisse aller aux hasards de l’improvisaiion, aux colères de l’esprit de parti, aux représailles de la vanité blessée ou de l’ambition déçue. On s’adresse au public et on éprouve le besoin de piquer sa curiosité, de poursuivre le succès par des imaginations toujours nouvelles, par le travestissement de toute chose, par le dénigrement des iiommes. On se livre enfin aux dangereuses fascinations de cet esprit sans scrupule et sans frein qui fait dire aux étrangers malveillans : Vous voyez bien, la France est toujours la même, rien n’est changé. Aujourd’hui, comme autrefois, la légèreté, la présomption et l’ignorance se déploient en toute liberté. Ces Français excellent à parler de toutes les choses sur lesquelles ils devraient se taire, à soulever toutes les questions dont ils ne devraient pas s’occuper. Ils font de leur malheur un spectacle, de leurs épreuves un thème de récriminations, du souvenir de leurs plus néfastes journées une occasion de manifestations. Pour un bon mot ou pour un calcul de parti, ils sacrifieraient tout, même l’intérêt de leur pays ! Il faut qu’ils fassent des discours, des manifestes et des articles de journaux à sensation ; il faut par-dessus tout qu’ils s’amusent des autres et d’eux-mêmes. — Et de fait, ne prête-t-on point trop aisément à toutes ces accusations si souvent reproduites contre la légèreté, la vanité et les intempérances présomptueuses de l’esprit français ?

De quoi pense-t-on en effet qu’on s’est le plus occupé depuis quelques semaines, depuis que l’assemblée nationale a quitté Versailles ? Assurément les choses qui peuvent offrir un intérêt sérieux ne manquent pas. Les conseils-généraux viennent de se réunir, ils sont restés quelques jours en session, la plupart sont même encore à leurs travaux. Au total, ces modestes assemblées ont fait leur devoir en demeurant fidèles à leur mission toute locale. Excepté dans quelques départemens où les radicaux, qui ont la majorité, éprouvent toujours le besoin de montrer leur respect pour la loi en dépassant leurs attributions, en voulant à tout prix /aire de la politique, excepté dans ces départemens, tout s’est passé