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Sans doute l’Allemagne est irrésistiblement entraînée aujourd’hui dans le mouvement unitaire, elle se soumet sans résister à la suprématie prussienne. Qui peut dire cependant si une crise prématurée ne serait pas une redoutable épreuve, non pas pour l’unité nationale elle-même, qui est vraisemblablement désormais un fait accompli, mais pour l’unité allemande par la main et au profit de la Prusse ? M. de Bismarck a plus d’une besogne sur les bras, sans compter sa guerre avec les jésuites. S’il n’est point homme à s’arrêter devant les obstacles, s’il n’a point à craindre des résistances invincibles, il sait bien qu’il y a dans certaines contrées des mouvemens de mauvaise humeur, des révoltes secrètes, — que les sentimens particularistes ne sont pas éteints partout, et qu’ils se révèlent quelquefois jusque dans l’attitude des princes. Nous ne savons pas si l’empereur Guillaume et son chancelier s’étaient promis d’attirer le roi de Bavière à Berlin pendant le séjour des empereurs. Ce qui est certain, c’est que le jeune roi Louis ne sera pas de la fête, et le roi de Wurtemberg ne semble pas non plus devoir aller grossir le cortège impérial. Il y a mieux, il se passe depuis quelques jours en Bavière des faits assez étranges. Le prince de Prusse est allé récemment dans ce royaume soit pour y passer quelques jours en résidence d’été, soit pour faire l’inspection des forteresses fédérales ; il s’est même conduit avec beaucoup de tact. Il n’est pas moins vrai qu’il a cherché partout le roi, il n’a pu le trouver nulle part. Le roi était invisible à Munich comme au château de Berg. Le prince impérial de Prusse a été obligé de s’avouer que le jeune roi Louis aimait peu les visites venant de Berlin, et il est parti sans le voir. Bref, le roi de Bavière, qui n’a pas reçu le prince de Prusse, n’ira pas naturellement à la grande entrevue des empereurs. Ce n’est pas bien grave, cela peut prouver du moins que tout n’est pas facile, et qu’il y a bien des choses à faire en Allemagne avant qu’on puisse songer de nouveau à des entreprises contre la France.

Qu’est-ce qu’une élection là où la vie populaire se déroule dans toute sa force et dans toute sa spontanéité ? C’est assurément l’acte le plus sérieux, et il a cela de particulier chez les peuples réellement formés aux mœurs libres, qu’on mettant aux prises toutes les passions, tous les intérêts, toutes les ambitions ou même toutes les vanités, il ne dépasse pas la limite d’une de ces manifestations agilées, mais régulières, où tout le monde se dispute la victoire dans le combat et où tout le monde se soumet le lendemain. Un spectacle de ce genre, plein d’une animation croissante, s’offre en ce moment aux États-Unis. Là aussi une élection va s’accomplir, et la plus grave des élections. Le général Grant touche au terme de sa première période présidentielle ; c’est au mois de novembre que le scrutin décidera s’il doit rester à la Maison-Blanche, si, comme beaucoup de ceux qui l’ont précédé, il gardera le pouvoir quatre