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vile en maintenant plus qu’il ne faut les amendemens constitutionnels qui enlevaient les droits politiques à des catégories entières de citoyens, c’est de n’être qu’une dictature déguisée s’appuyant sur une centralisation excessive, une tentative de pouvoir soldatesque menaçant la vie civile. On lui reproche bien d’autres choses encore, un arbitraire sans scrupule, le népotisme, l’intolérance, la corruption. Les gros mots ne sont pas épargnés, et naturellement les libéraux républicains se sont fait un programme qui a pour principal objet la réforme de tout ce qu’on reproché à l’adminislration actuelle. Ils veulent la restitution complète de tous les droits constitutionnels à tous ceux qui en ont été privés par suite de la guerre, la répudiation de toute politique de centralisation par le maintien absolu du self-government local dans les états, la subordination du pouvoir militaire au pouvoir civil, la suppression des abus qui se sont produits dans la distribution des emplois et de toutes les faveurs administratives, l’abandon du système des concessions de terres aux compagnies industrielles. Quelques-uns de ces articles peuvent paraître assez vagues ; ils répondent lui définitive aux sentimens d’opposition qui se sont produits dans ces derniers temps, et c’est ainsi qu’on approche de l’élection. Deux camps se sont formés : celui des partisans de la réélection du président et celui des républicains libéraux.

Tout ce qui tient à l’administration soutient naturellement le général Grant. Le candidat des républicains dissidens est M. Horace Greeley, et, au premier abord, à ne juger que par l’importance apparente des deux concurrens, la lutte semblait s’engager dans des conditions qui promettaient un succès facile au président aujourd’hui en fonctions. Ce n’est pas que M. Horace Greeley lui-même soit le premier venu : c’est le rédacteur en chef de la Tribune de New-York, un des politiciens les plus considérables des États-Unis, homme d’un talent supérieur, d’une grande influence, qui a pour lui une longue et laborieuse carrière ; mais un journaliste aspirant aux honneurs de la Maison-Blanche, c’est un phénomène qui ne s’était pas produit encore aux États-Unis, et de plus, il faut en convenir, M. Horace Greeley est un personnage assez excentrique d’habitudes, même de costume. Il est renommé pour l’originalité de sa tenue et pour son insouciant dédain des usages de la civilisation. S’il est nommé, il est certain que la grande république aura un premier magistrat d’un extérieur passablement bizarre. Que représente réellement M. Horace Greeley ? On ne peut trop le dire ; il a professé bien des opinions diverses, il a été quelque peu fouriériste, protectioniste, surtout partisan de l’abolition de l’esclavage. Il a fait longtemps une guerre implacable aux démocrates du sud, ce qui ne l’empêchait pas, au lendemain de la guerre, de se porter caution pour M. Jefferson Davis, lorsqu’il s’agissait de mettre en liberté provisoire l’ancien président de la confédération sécessionisle. Aujourd’hui il est un des chefs des républicains libéraux, et