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resser. Nous voudrions la voir planer dans cette région sereine où il n’y a ni passions, ni rancunes, ni désirs de vengeance. Nous lui demandons ce charme d’impartialité parfaite qui est la chasteté de l’histoire. Nous continuons à professer, en dépit des Allemands, que l’érudition n’a pas de patrie. Nous aimerions qu’on ne pût pas la soupçonner de partager nos tristes ressentimens, et qu’elle ne se pliât pas plus à servir nos légitimes regrets qu’à servir les ambitions des autres. L’histoire que nous aimons, c’est cette vraie science française d’autrefois, cette érudition si calme, si simple, si hauts de nos bénédictins, de notre académie des inscriptions, des Beaufort, des Fréret, de tant d’autres, illustres ou anonymes, qui enseignèrent à l’Europe ce que c’est que la science historique, et qui semèrent, pour ainsi dire, toute l’érudition d’aujourd’hui. L’histoire en ce temps-là ne connaissait ni les haines de parti, ni les haines de race; elle ne cherchait que le vrai, ne louait que le beau, ne haïssait que la guerre et la convoitise. Elle ne servait aucune cause; elle n’avait pas de patrie; n’enseignant pas l’invasion, elle n’enseignait pas non plus la revanche. Mais nous vivons aujourd’hui dans une époque de guerre. Il est presque impossible que la science conserve sa sérénité d’autrefois. Tout est lutte autour de nous et contre nous; il est inévitable que l’érudition elle-même s’arme du bouclier et de l’épée. Voilà cinquante ans que la France est attaquée et harcelée par la troupe des érudits. Peut-on la blâmer de songer un peu à parer les coups? Il est bien légitime que nos historiens répondent enfin à ces incessantes agressions, confondent les mensonges, arrêtent les ambitions, et défendent, s’il en est temps encore, contre le flot de cette invasion d’un nouveau genre les frontières de notre conscience nationale et les abords de notre patriotisme.


FUSTEL DE COULANGES.


CORRESPONDANCE.
A M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.


Saint-Patrice, 8 août 1872.

Monsieur,

La Revue des Deux Mondes a publié le 1er août un article de M. Ernest Duvergier de Hauranne intitulé la République et les conservateurs.

J’y trouve le passage suivant :

« Parmi les hommes qui représentent le parti conservateur, peut-être certains d’entre eux préfèrent-ils les solutions violentes, parce qu’ils voient dans le succès du radicalisme un espoir de réaction prochaine.