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villes hollandaises et frisonnes se sentissent des sympathies pour Luther et ses adhérens.

Le clergé dans ces contrées excitait d’ailleurs non moins de jalousie par ses richesses, de mécontentement par sa morgue et ses tendances envahissantes, que dans l’Allemagne. L’université de Louvain, les écoles, les chambres de rhétorique, avaient sucé avec les lettres de l’antiquité l’aversion de l’enseignement scolastique. Le commerce avec les états septentrionaux, où le protestantisme était victorieux, amenait sans cesse dans les cités hanséatiques des hommes qui professaient la religion nouvelle et en répandaient les principes. Dès l’année 1527, Deift et Amsterdam étaient signalées comme des foyers d’hérésie. Le mouvement gagna rapidement le Brabant septentrional, l’Over-Yssel, la Frise et la province de Groningue. À Leyde, il se tenait en plein air des assemblées où on lisait à haute voix la Bible. La même chose se passait en 1532 à Bois-le-Duc, où avait déjà éclaté antérieurement contre le clergé une de ces émeutes telles qu’il s’en produisait à Osnabrûck et à Munster. La régence, que Charles — Quint avait confiée à sa tante Marguerite, prit les mesures les plus énergiques. Les poursuites furent impitoyables et les exécutions terribles. Le duc de Gueldres, ennemi de la maison d’Autriche, ne s’entendit avec elle que pour sévir sans miséricorde contre les hérétiques ; mais ces rigueurs ne purent arrêter un élan qui puisait sa force non-seulement dans les instincts d’indépendance nationale, mais encore dans une disposition naturelle des Néerlandais vers le mysticisme et les spéculations religieuses, auxquels l’émancipation de la tutelle papale laissait libre carrière. À plusieurs reprises, des illuminés et des imposteurs avaient rencontré dans les Pays-Bas de nombreux disciples. Les rêveries et les aberrations de certaines âmes exaltées parlaient vivement à l’imagination de ce peuple, chez lequel se cachait, sous des dehors flegmatiques et froids, un ardent besoin d’idéal, comme si les préoccupations matérielles et les habitudes mercantiles qui remplissaient sa vie eussent cherché un contre-poids.

Les adeptes des doctrines de Luther trouvèrent un asile dans les villes populeuses de la Hollande et des provinces voisines, où leur présence se dissimulait plus facilement, où les privilèges, les franchises municipales, leur assuraient une protection bienfaisante. Le mauvais vouloir contre la cour de Bruxelles encourageait les apôtres qui étaient venus se réfugier dans ces grandes places de commerce, et Amsterdam se montra une des plus empressées à soutenir les adversaires de l’église. Les édits de la régente contre les hérétiques n’y étaient pas exécutés, ou la répression se réduisait à des peines insignifiantes ; mais, manquant de l’appui qu’obtenaient en Alle-