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time. À ce moment d’ailleurs, Napoléon devait avoir déjà d’autres vues sur la Hesse. Prévoyant le cas où il lui faudrait reprendre le Hanovre à la Prusse pour le restituer à l’Angleterre, il se réservait dans la Hesse un en-cas pour indemniser les Hohenzollern.

La situation de l’électeur, au commencement de 1806, était devenue fort difficile. Il se sentait repoussé de la confédération du Rhin, pour laquelle il avait d’ailleurs de la répulsion, exclu de la protection hautaine de Napoléon, peut-être en butte à ses convoitises; mais il ne pouvait se décider à entrer dans la confédération du nord, que la Prusse essayait alors de fonder. Vis-à-vis de Frédéric-Guillaume III comme de Napoléon, il se faisait valoir, tenait à se faire payer cher. Il cherchait aussi à constituer autour de lui avec les petites principautés de Waldeck et de Lippe une sorte de confédération des Cattes; mais ces faibles états se trouvaient bien autrement attirés par le Rheinbund. Son collègue en maréchalat, le duc de Brunswick, était prêt à se sacrifier à la grandeur de la Prusse et à reconnaître son hégémonie. Guillaume ne voulait rien céder, rien hasarder, rien conclure. En août 1806, il ordonna au baron Waitz de rédiger un traité d’alliance avec la Prusse; puis, quand il vit que la situation tournait à la guerre, il refusa de signer. Si la Prusse, en cette fameuse année 1806, se montra indécise par faiblesse, l’électeur fut bien plus indécis par avarice et par ambition.

L’armée prussienne venait d’envahir la Saxe et de commencer la guerre. L’électeur commit, en cet instant critique, la plus grave imprudence. Sans doute il refusa avec une certaine fermeté l’offre que lui fit le roi de commander, outre ses propres troupes, un des corps de l’armée prussienne, sans doute il fit respecter la neutralité de son territoire par la puissance dont il était l’allié honteux; mais il mit sa petite armée sur le pied de guerre et sa forteresse de Hanau en état de défense. Son agent à Paris, M. de Malsburg, fut prévenu que tout armement de la Hesse serait considéré par la France comme un acte d’hostilité; sans donner aucune explication, le ministre hessois quitta brusquement Paris. Cette conduite ne laissait aucun doute sur les intentions de l’électeur. Il était évident que, dans aucune hypothèse, le feld-maréchal prussien ne se joindrait à l’armée française; s’il armait, c’était uniquement pour tomber sur ses derrières lorsque l’occasion s’en présenterait. Peut-être aussi était-ce une spéculation de son avarice. Gentz pense qu’il « comptait négocier pour son propre compte et obtenir des subsides de l’Angleterre. » C’est aussi l’opinion de Walter Scott.

L’électeur parut un moment avoir compris la situation. Il envoya Bignon proposer à l’empereur sa neutralité, et partit lui-même pour le camp prussien dans l’intention, assurait-il, d’obtenir qu’on la respectât. Bignon ne trouva plus l’empereur à Mayence,