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devait désarmer toutes les troupes, envoyer prisonniers à Luxembourg tous les officiers au-dessus du grade de lieutenant, arrêter « comme généraux prussiens » l’électeur et le prince électoral, faire abattre leurs armoiries, mettre les scellés sur leurs propriétés, déclarer aux populations qu’ils avaient cessé de régner. « Ordonnez, ajoutait-il, que tout homme qui gardera des armes, après l’ordre de désarmement, sera fusillé. »

Le soir même, l’électeur réunit son conseil. Le conseiller intime von Malsburg, le général de Webern et le référendaire intime Schmerfeld allèrent au-devant de Mortier pour lui déclarer que leur maître était prêt à accéder à la confédération du Rhin. Le maréchal répondit que la politique n’était point son affaire, et il continua sa marche sur Cassel. L’électeur se décida dès lors à réserver sa précieuse personne pour des temps meilleurs. Revêtu pour la première fois peut-être d’habits civils, accompagné de son fils, il essaya de sortir par la porte de Leipzig, puis par la porte du nord, qu’il trouva occupées par les avant-gardes françaises; il finit par gagner celle de Cologne, d’où il s’enfuit dans la principauté de Waldeck, puis en Danemark, pour tâcher de négocier d’un lieu sûr avec Napoléon.

Cependant, si l’on voulait épargner au pays d’être « le théâtre des désastres de la guerre, » les ministres électoraux n’avaient que le temps de signer l’ordre de désarmement. Les Français firent leur entrée dans Cassel le 1er novembre à neuf heures du matin, les Hollandais dans l’après-midi. Le maréchal adressa aux habitans une proclamation rassurante pour leurs intérêts privés, fort peu pour leur dynastie; l’impression de cette soudaine conquête fut profonde. Les campagnes et les petites villes, absolument dévouées à l’électeur, éprouvèrent la plus vive douleur; pourtant la population de Cassel, qui, connaissant mieux son maître, le jugeait plus sévèrement, se montra plus calme. Les troupes étaient indignées d’être ainsi contraintes à poser les armes sans même avoir combattu. Plusieurs officiers entrèrent, de dépit, au service de Napoléon. C’est ainsi que l’ingénieur Eckemeyer, en 1792, était passé sans transition du service de l’électeur-archevêque de Mayence à celui de la république française.

L’électrice Wilhelmine-Caroline de Danemark resta encore assez longtemps à Cassel; à la fin, elle dut s’en éloigner sur l’ordre de Napoléon, et se retira chez son gendre, le duc de Saxe-Gotha. Quant à la femme du prince électoral, Augusta, sœur du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, Napoléon tint à honneur de lui témoigner la plus grande courtoisie à un moment où il était si peu courtois pour les reines malheureuses; mais de cette générosité il fit trop d’étalage dans les bulletins qu’il adressait à la grande armée. «...Dans le palais qu’habite l’empereur à Berlin se trouve la sœur du roi de