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miers étaient restés attachés à la dynastie des Hohenzollern de toute la force des traditions anciennes, de toute l’énergie du patriotisme humilié et blessé; les autres, qui avaient déjà passé en tant de mains, ne regrettaient pas plus les Prussiens que leurs anciens maîtres, et devaient se plier facilement à la domination napoléonienne. Venaient enfin : 6° le comté de Stolberg, fief de la Prusse, et le comté de Rietberg, fief de Hesse-Cassel ; 7° les territoires saxons situés entre Erfurt et l’Eichsfeld. Peu de temps après, Napoléon y ajouta d’autres parties du comté de Henneberg, de la principauté de Corvey, et en 1808 la partie saxonne du comté de Mansfeld. Nous ne parlons pas ici des remaniemens territoriaux de 1810 et 1811.

Le royaume de Westphalie en 1808 comprenait plus de 1,900 lieues carrées et 2 millions d’habitans. Il se trouvait dans une situation des plus avantageuses : au nord, à l’ouest et au sud, il confinait partout aux états de la confédération du Rhin; à l’est, où il avoisinait un état hostile ou suspect, le royaume de Prusse, il pouvait opposer la frontière de l’Elbe et l’importante forteresse de Madgeburg. Jérôme se plaignait seulement de quelques enclaves appartenant à des princes « confédérés, » qui venaient rompre la continuité de ses états. Ainsi le pays de Smalkade se trouvait séparé du reste de la monarchie par le duché de Saxe-Meiningen; ainsi, dans la partie septentrionale du royaume, subsistaient la principauté de Calenberg et le comté de la Lippe, etc.

Chose étrange, le pays que Napoléon avait choisi pour y faire son expérience de greffe française sur souche allemande était précisément celui où le sang germanique passe pour être le plus pur, où les traditions de la vieille Allemagne sont les plus vivantes. Partout se dressaient devant la royauté étrangère de glorieux et terribles souvenirs nationaux. On ne pouvait prononcer le nom d’une des préfectures du roi Jérôme sans réveiller un monde de traditions ou de légendes[1]. Ici était cette forêt de Teuteberg, qui avait vu le désastre de Varus et les larmes de Germanicus; là, ces fameux champs de bataille des guerres carolingiennes : le Sünthal, où les Saxons avaient exterminé une armée franque; le Weser, que Charlemagne avait rougi du sang des vaincus décapités; Paderborn, où, décimés par le glaive du conquérant, ils étaient venus demander la paix et le baptême. Corvey rappelait les hardis missionnaires qui s’étaient aventurés dans la solitude des forêts germaniques pour y bâtir la première chapelle et le premier cloître; Osnabrûck, Halber-

  1. Voyez sur ces vieux souvenirs une lettre insérée dans le Moniteur westphalien du 8 mars 1808.