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principaux, dans le camp opposé, les princes de Bourbon suivis de la plus grande noblesse de France. La correspondance d’Olivarès et de Philippe II, publiée par M. de Hübner, prouve que le point capital arrêté par les Cuises et Philippe II était l’extermination des hérétiques de France, et que cet intérêt était réputé supérieur à tout autre intérêt européen. Le rôle de la royauté française au milieu de ce conflit était des plus misérables ; elle craignait autant le triomphe des uns que la défaite des autres, et s’épuisait en combinaisons stériles pour conserver une ombre de pouvoir, et pour obtenir la pacification du royaume, qui était son salut.

En l’année 1576, le parti catholique fie éclater contre elle son mécontentement. Écoutons un contemporain digne de confiance, Palma Gayet, professeur au collège de Navarre, l’auteur de la Chronologie novenaire. « Fâchés, dit cet écrivain, de ce que le roi voulait pacifier les troubles en son royaume, permettant à ceux de la religion prétendue réformée le libre exercice de leur religion, les déclarant capables de tenir estatz en toutes cours souveraines, leur ayant laissé huit villes pour leur sûreté, et desadvouant ce qui s’était passé en la journée Sainct-Barthélemy 1572, aucuns catholiques, princes, seigneurs et autres, » conclurent à Peronne, au nom de la sainte Trinité, le fameux traité d’association connu sous le nom de sainte union ou sainte ligue[1], par lequel les adhérens, prenant en main la défense de la cause catholique, trahie selon eux par l’administration royale, se substituaient au pouvoir du roi, sous prétexte de mieux défendre ses véritables intérêts, et notifiaient leurs desseins subversifs à toute la chrétienté. C’était l’usurpation hardie et flagrante de l’autorité souveraine, l’organisation d’une faction audacieuse dans l’état, et le prélude des plus hardies entreprises; et non-seulement elle demeura impunie, mais après plusieurs années de tergiversation incessante et d’abaissement continu, la royauté fut obligée de subir et d’accepter la tutelle de la ligue, en pactisant avec elle comme de puissance à puissance par le traité de Nemours, conclu entre le roi et le duc de Guise, qui venait de signer à Joinville (1584) avec Philippe II un traité d’alliance pour l’exclusion de l’hérétique Henri de Béarn (Henri IV), devenu héritier présomptif de la couronne par la mort du duc d’Anjou, frère de Henri III, dans la personne duquel allait s’éteindre la dynastie régnante.

C’est au moment où Henri III venait d’accomplir ainsi une des plus grandes fautes de son règne que Sixte-Quint fut élu pape (1585). Il n’avait point approuvé les complaisances compromettantes de ses prédécesseurs pour Philippe II et la ligue, et sous

  1. Voyez le texte de cet acte fallacieux avec le commentaire dans l’introduction de l’ouvrage de Palma Cayet, édit. de Buchon.