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depuis peu de temps, faisaient le service de l’Amérique et des Indes avaient cru devoir abaisser à dix mots le minimum de la dépêche. Ne convenait-il pas de tenir compte de cet état de choses? Si l’on n’allait pas jusqu’à admettre en Europe la dépêche de dix mots, ne pouvait-on, par une sorte de transaction, la concéder aux compagnies sous-marines? Ce dernier avis fut émis par les délégués de la Belgique. Le compromis qu’ils proposaient était le suivant : rien ne serait changé sur le parcours des lignes d’Europe; mais les offices extra-européens pourraient faire admettre pour leur propre parcours la dépêche de dix mots avec taxe réduite en conséquence. Suivant les auteurs de cet amendement, c’était là une condition tout à fait nécessaire à l’exploitation des lignes sous-marines; c’était le seul moyen qu’eussent les compagnies pour réduire à des proportions raisonnables un tarif nécessairement fort élevé; c’était aussi pour elles une arme contre une spéculation qui s’organisait à leur préjudice : des agences se formaient pour recueillir les courtes dépêches, les grouper en télégrammes de vingt mots et les expédier sous cette forme, faisant ainsi concurrence aux compagnies elles-mêmes. A côté de l’amendement belge venait se placer une motion qui faisait de la dépêche de dix mots la base même du système européen. Ce dernier projet était soutenu par les représentans de l’Allemagne du nord et de la Russie. Bientôt le courant de la discussion amena ces deux délégués à faire connaître le véritable motif qui leur suggérait cette opinion. Les gouvernemens de l’Allemagne du nord et de la Russie avaient accordé à une compagnie privée la concession d’une ligne terrestre entre l’Angleterre et les Indes; un des articles du traité de concession autorisait la compagnie à fixer la dépêche simple à dix mots, et lui assurait ainsi les avantages qui résultent d’une taxe réduite. Si maintenant la conférence venait à proscrire cette sorte de dépêches, la nouvelle société se trouvait dans une position tout à fait irrégulière et en dehors du droit européen.

Les membres de la conférence manifestèrent quelque étonnement en apprenant l’existence d’une compagnie fondée dans des conditions si anormales avec l’appui des gouvernemens russe et allemand. Que devenait donc l’engagement que les divers états avaient pris à Paris d’assujettir aux règles du traité les compagnies à qui des concessions seraient faites? Le délégué de l’Allemagne du nord était réduit à se défendre; il objectait que la ligne incriminée reliait deux pays qui, à l’époque de la concession, n’avaient point encore adhéré au traité de Paris. C’était une faible défense, et d’ailleurs depuis les choses avaient bien changé. On pressait donc l’envoyé allemand, qui se réfugiait alors sur un autre terrain. — On