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télégraphie, les dépêches restaient en chemin ou mettaient des semaines entières, voire des mois, à parvenir à destination, défigurées et inintelligibles. C’était d’ailleurs le moment où venait de se produire le grand succès de la pose des câbles transatlantiques. La télégraphie sous-marine, délaissée et repoussée encore la veille, éprouvait un retour de faveur, et les capitaux enhardis venaient se mettre à son service. En présence de cet état de choses, les Anglais résolurent d’établir, entre la métropole et toutes les stations qu’elle possède sur la surface des deux hémisphères, un réseau sous-marin entièrement indépendant des territoires étrangers.

Tout d’abord, — ce fut naturellement le premier objectif, — plusieurs sociétés concertèrent leurs efforts pour assurer la correspondance de la métropole avec sa grande colonie. Nous en trouvons trois principales : la British Indian submarine telegraph Company, l’Anglo-Méditerranean telegraph Company, et enfin la Falmouth’s Gibraltar and Malta telegraph Company. La compagnie anglo-méditerranéenne, fondée en 1868, tient le milieu du tracé général, c’est-à-dire l’orient de la Méditerranée. Entre Malte et Alexandrie, elle a succédé à d’autres compagnies dont les câbles joignaient autrefois Malte, Tripoli, Benghazi et la côte égyptienne. Elle obtint ensuite du gouvernement italien le droit d’établir, depuis la frontière française jusqu’à la pointe de Sicile, une ligne terrestre lui appartenant en propre et consacrée exclusivement à la communication avec les Indes; mais elle a depuis lors renoncé à cette combinaison, et en 1871 elle a reçu, en échange de ce privilège, celui de poser un câble direct entre Brindes et Alexandrie. — La Falmouth’s Gibraltar and Malta Company est de création plus récente. Ne servant guère qu’à doubler des communications qui existent déjà par voie terrestre, elle est l’expression la plus saillante du grand projet anglais, qui consiste à établir un réseau sous-marin tout à fait indépendant des lignes continentales. Par un premier câble, elle joint directement Falmouth à Lisbonne; de là elle atteint Gibraltar, puis Malte, où elle se raccorde avec la ligne anglo-méditerranéenne. Confiante en ses forces, elle a rompu avec l’ancien procédé, qui consistait à solliciter des gouvernemens des monopoles et des subventions; non-seulement elle n’a demandé au Portugal qu’un simple droit d’atterrissement sans privilège, mais elle s’est engagée à lui payer encore 1 pour 100 sur les bénéfices nets de l’exploitation. — Quant à la compagnie British Indian, elle est l’héritière des anciennes sociétés qui avaient adopté le tracé de l’Océan indien. Fondée au capital de 50 millions de francs, elle a deux câbles, l’un de Suez à Aden, l’autre d’Aden à Bombay, dont l’exploitation a commencé au mois de mars 1870. — Ces trois compagnies, séparées et