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parens dans leur obscurité[1]. La duchesse d’Étampes fit à elle seule parmi ses oncles un archevêque, parmi ses frères trois évêques, parmi ses sœurs deux abbesses. Gabrielle et La Vallière se montrèrent plus modestes, elles se contentèrent chacune d’un évêque.

Ce que les favorites exigeaient pour leurs proches n’était rien en comparaison de ce qu’elles exigeaient pour elles-mêmes. Absolues dans leurs caprices, parce qu’elles savaient les rois absolus dans leur pouvoir, elles prélevaient les plus lourds tributs sur la fortune de l’état. Diane de Poitiers, pour puiser librement dans le trésor public, fait nommer l’une de ses créatures, Blondet de Rocquancourt, surintendant des finances; elle obtient pour son gendre, le duc d’Aumale, le don de toutes les terres vacantes du royaume; elle vend son patronage à François Allamand, l’un des présidens de la chambre des comptes, qui exerce, grâce à la protection intéressée dont elle le couvre, « un vrai brigandage dans les gabelles. » Ces rapines ne lui suffisent pas encore : elle se fait donner le droit de confirmation, le marc d’or, qui se lève sur les offices à chaque changement de titulaire. Henriette d’Entragues se montre fidèle aux traditions de Diane; elle exige, comme arrhes, le marquisat de Verneuil et cent mille écus, ce qui représentait le produit des tailles de trois ou quatre provinces; quand elle les a touchés, elle cabale avec le prince de Joinville pour obtenir un droit de quinze sous sur chaque ballot de laine à l’entrée et à la sortie du royaume, et ce n’est pas trop de la raison et de la fermeté de Sully pour faire comprendre à Henri IV que les impôts sur les matières premières appartiennent non pas aux favorites, mais à l’état. Fontanges reçoit de Louis XIV, à titre de traitement fixe, 100,000 écus par mois, non compris les colliers de perle de 150,000 livres, les robes en point d’Angleterre, les couvertures de lit en brocart d’or, et son prix de revient ne s’élève pas à moins de 12 millions pour trois ans. D’Argenson paie avec les fonds des affaires étrangères les dettes de Mme de Mailly ; la Pompadour, on le sait par les registres qu’elle tenait elle-même avec l’exactitude d’un caissier, coûte à Louis XV en argent comptant prélevé sur le budget des recettes 36,726,000 francs, non compris les petits présens et les bénéfices qu’elle réalisait au moyen des croupes, espèce d’abonnemens que les fermiers-généraux lui payaient pour obtenir des remises sur le prix de leurs baux et s’assurer par son appui l’impunité de leurs exactions. La Du Barry est plus dispendieuse encore, et son règne correspond à la plus triste période de l’histoire de nos finances, celle

  1. « Accessit ad stupri suspicionem propinquorum Agnetis ad dignitates ecclesiasticas repentina promotio. » Robert Caguin, in Carolo VII, lib. C. fol. 240. Édition de 1510.