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La Celle-Saint-Cloud, Mavrissel, Courcelles, Vaucel. Les associés étaient appelés compains, compani, parce qu’ils vivaient du même pain, partçonniers, parce que chacun prenait sa part du produit, frarescheux, parce qu’ils vivaient comme frères et sœurs. La société était nommée compagnie, coterie, fraternité, domus fraterniatus, dit le Polyptique d’Irminon. Le plus ancien auteur qui fasse connaître la constitution juridique des communautés, Beaumanoir, explique ainsi le nom qui les désignait souvent : « compagnie se fait par notre coutume, par seulement manoir ensemble, à un pain et à un pot, un an et un jour, puisque les meubles des uns et des autres sont mêlés ensemble. »

La communauté était généralement reconnue comme existant de fait quand les paysans habitaient la même maison et vivaient « au même pot » pendant un an et un jour. C’est seulement assez tard et pour éviter les procès naissant du partage, alors que l’institution tendait déjà à disparaître, que quelques coutumes exigèrent un contrat pour la mise en commun des immeubles. Certaines coutumes n’admettent la communauté que quand « il y a lignage entre les parsonniers. » C’était là évidemment la forme primitive de ces associations agraires; ce n’est que plus tard et sous l’influence du régime féodal qu’il se constitua des communautés entre personnes qui ne descendaient pas d’un auteur commun. On appelait communautés taisibles celles qui s’établissaient tacitement, sans inventaire, et qui se continuaient indéfiniment entre les survivans. Comme dans la zadruga slave, les associés choisissaient un chef, le mayor, maistre de communauté ou chef du chanteau (du pain). C’est lui qui distribuait la besogne, achetait ou vendait, administrait et gouvernait; il exerçait le pouvoir exécutif[1]. Une femme était aussi

  1. Un ancien juriste du droit coutumier, Guy Coquille, décrit d’une façon naïve comment se faisaient les travaux agricoles dans ces associations de paysans. « Selon l’ancien établissement du ménage des champs, plusieurs personnes doivent être assemblées en une famille pour démener un ménage qui est fort laborieux et consiste en plusieurs fonctions en ce pays de Nivernais, qui de soi est de culture mal aisée. Les uns servent pour labourer et pour toucher les bœufs, animaux tardifs, et il faut communément que les charrettes soient tirées de six bœufs, les autres pour mener les vaches et les jeunes jumens en champs, les autres pour mener les brebis et les moutons, les autres pour conduire les porcs. Ces familles, ainsi composées de plusieurs personnes, qui toutes sont employées selon leur âge, sexe et moyens, sont régies par un seul, qui se nomme maître de communauté, élu à cette charge par les autres, lequel commande à tous les autres, va aux affaires qui se présentent dans les villes, foires et ailleurs, a pouvoir d’obliger ses parsonniers en choses mobiliaires qui concernent le fait de la communauté, et lui seul est nommé aux rôles des taillies et subsides. Par ces argumens, il se peut comprendre que ces communautés sont de vraies familles et collèges qui par considération de l’intellect sont comme un corps composé de plusieurs membres, bien que les membres soient séparés l’un de l’autre, mais par fraternité, amitié et liaison économique font un seul corps. Or, parce que la vraie et certaine ruine de ces maisons de village est quand elles se partagent et se séparent, par les anciennes lois de ce pays tant dans les ménages et familles de gens serfs que dans les ménages dont les héritages sont tenus à bordelage, il a été constitué que ceux qui ne seraient point en la communauté ne succéderaient aux autres, et qu’on ne leur succéderait aussi. »