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vait vérifier la régularité, Sixte-Quint nomma M. de Nazareth, dont le roi apprit ainsi la mission, sans avoir reçu directement la communication préalable usitée en pareil cas. M. de Pisani n’avait donné aucun avis à sa cour. Cette forme de procéder parut étrange à Paris, surtout à un changement de règne dans la cour romaine, et la personne de M. de Nazareth étant signalée comme favorable à la ligue, Henri III, poussé par un juste sentiment de susceptibilité souveraine et connaissant l’arrivée du nouveau nonce à Lyon, fit notifier à ce diplomate l’ordre de s’arrêter et de ne pas pousser sa route plus avant. Sixte-Quint, informé de l’aventure et de la cause qui l’avait produite, fut froissé à son tour de l’injure faite à son ambassadeur, et, naturellement irrité contre M. de Pisani, dont la légèreté avait causé ce conflit, fit donner à ce ministre l’ordre de quitter sur-le-champ les états romains ; mais après la tempête, les explications ramenèrent le calme dans les esprits. Les torts furent reconnus, appréciés de part et d’autre dans un esprit d’harmonie et de paix. M. de Nazareth put continuer sa route sur Paris, et M. de Pisani, pour qui sa cour fut indulgente, revint à Rome avec son titre et fut gracieusement accueilli par le pape, avec lequel il eut depuis les meilleurs rapports.

La grande question de la bulle privatoire fulminée contre Henri de Béarn (ainsi l’appelèrent les Espagnols et les Romans) ne fut pas la seule du reste, pendant le règne de Sixte-Quint, où l’avis personnel du pontife ne prévalut point dans les conseils de la papauté. De Là cette fluctuation qu’on remarque dans la direction des actes du saint-siège en cette période. Un chapitre important du livre de M. de Hübner nous donne la clé de ces incertitudes dans l’action pontificale, et peut expliquer en certains cas le double jeu dont Sixte-Quint a été accusé vis-à-vis de Henri IV et de la ligue. A son avènement, il trouva le gouvernement de l’église établi sur un mécanisme administratif qui paralysait la liberté personnelle du pape. Les souvenirs du sénat romain[1] avaient introduit ou du moins fortifié l’intervention du consistoire des cardinaux, dans l’examen et le règlement des affaires de la Chiesa. C’était dans ces assemblées régulières que les membres du sacré-collège, assistés des hauts fonctionnaires non pourprés, traitaient, sous la présidence du pape, ou même hors de sa présence, des affaires de l’église uni-

  1. Il existe à cet égard dans certains esprits un système historique fort exagéré, mais qui repose sur des traditions non à dédaigner, car elles remontent à une époque antérieure à Innocent III. Grégoire VII avait trouvé dans le sacré-collège qu’il avait réformé un contradicteur déclaré de sa politique passionnée. Voyez le curieux ouvrage du cardinal Bennon, publié à la suite de la collection de Urstitius, 1585, in-fol., et discuté récemment par Gfrörer. Voyez aussi le prince Pitzipios : le Romanisme, in-8o; Paris 1869. M Drapeyron a publié sur le même sujet de curieux aperçus, 1870», in-8o.