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gneurs du parti de la ligue. L’accueil du roi fut parfait. Lestoile a conté le récit de cette entrevue, où la conduite du roi fut telle que tout soupçon disparut de l’esprit du duc. Cependant les états avaient été convoqués à Blois pour la mi-septembre; les élections agitèrent quelque peu Paris et les provinces. La ligue obtint une grande majorité, et le duc ne s’épargna point pour ce résultat. Sixte-Quint désapprouva cette convocation; la pacification du royaume ne lui semblait pas devoir y gagner. Beaucoup de bons esprits en France partageaient ce sentiment[1]; les députés Etienne Pasquier et Montaigne étaient du nombre. « Ce ne sont, disait le premier, que belles tapisseries qui servent de parade à une postérité. Sous ces beaux et doux appâts, on n’ouvre jamais telles assemblées que le peuple n’y accoure, ne les embrasse et ne s’en esjouisse infiniment, ne considérant pas qu’il n’y a rien qu’il ne dût tant craindre. » Aux yeux des politiques les intérêts publics étaient bien mieux garantis et plus profitablement administrés dans des assemblées moins tumultueuses, mieux composées et plus avisées, telles qu’étaient les grandes cours de justice et de finance de l’époque. L’esprit de la ligue, nous dirions presque avec le langage du jour l’esprit radical, avait prédominé dans les élections; il se produisit dans l’assemblée de Blois, qui, prorogée de septembre où elle avait dû s’ouvrir, en octobre où elle s’ouvrit en effet, donna le plus triste spectacle à la France et à l’Europe. Dans une lettre adressée au premier président de Harlay, le célèbre avocat-général à la cour des comptes nous montre la confusion et le désordre qui régnaient dans les séances, l’abaissement toujours croissant de la dignité royale, l’insolence des ligueurs, Henri III réduit à des concessions avilissantes et à d’odieuses dissimulations. « Et toutefois, dit-il, pour toutes ces soumissions, qui excitent au cœur des uns une compassion, et des autres une indignation et courroux, il ne peut obtenir de ces messieurs, tant en général qu’en particulier, qu’un rebut et mépris de sa majesté. Il n’est pas que toutes les fêtes les prédicateurs ne s’acharnent contre lui et les siens par invectives et aigres satires. Il a parlé à M. de Guise comme à celui qu’il estime avoir grande autorité sur tous ces députés, afin qu’il les voulût rendre plus souples; mais celui-ci s’en est fort bien excusé, disant n’y avoir aucune puissance. Voilà à quels termes nous en sommes. »

Il n’était personne qui ne s’attendît à une catastrophe prochaine, dans un sens ou dans l’autre. La confiance et la témérité du duc de Guise n’avaient point de limites. Le 21 septembre, il avait écrit de

  1. Voyez les Recherches de Pasquier dans ses Œuvres, t. Ier, p. 85 et suiv. — Hübner, t. Il, p. 207, et t. II, p. 364-66.