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niens, présenterait de telles chances d’anarchie, qu’il vaudrait mieux trancher la question en faveur de la supériorité des femmes selon le système Farnham. La loi la résout en faveur de l’homme, constitué chef de famille. Une pareille loi est-elle donc à défendre? N’est-elle pas fondée en raison, en nécessité, s’il est reconnu que l’homme a, pour ce rôle de gouvernement plus de qualités que n’en offre habituellement la femme? Est-il donc vrai, comme le prétend encore l’auteur du livre sur l’assujettissement des femmes, que « le plus souvent la famille est pour son chef une école d’entêtement, d’arrogance, de laisser-aller sans limite, d’un égoïsme raffiné, etc.? » Le mal que font des accusations si âpres et ainsi généralisées ne saurait être passé sous silence. Je ne connais pas d’injure plus grave jetée à la famille moderne que ne l’est celle que M. Mill prend si peu de soin d’atténuer. Ainsi le plus souvent la famille est corrompue dans son chef, et elle l’est par le fait de la législation, par l’action directe de la prescription de l’obéissance. En vérité c’est accorder aux effets de cet article une importance bien exagérée, et on peut dire qu’il n’a mérité « ni cet excès d’honneur ni cette indignité. » Où ont-ils vu, ces accusateurs de la famille, dans sa constitution présente cette obéissance prise ainsi à la lettre le plus souvent? Est-ce que le mariage n’offre pas dans la plupart des cas l’image de ces compromis de volontés, de ces arrangemens à l’amiable qui font que la société ressemble bien peu au code pris dans toute sa rigueur? Et les supériorités véritables ne savent-elles pas bien aussi se faire leur part et leur place? Serait-ce une fiction, un vain jeu de mots de prétendre que, dans les unions où la supériorité réelle est du côté de l’épouse, c’est le mari qui règne et bien réellement la femme qui gouverne?

Que l’autorité maritale puisse faire dans un certain nombre de cas la place légalement plus grande à l’initiative et au pouvoir des femmes, que le code de la famille soit à quelques égards sujet à révision dans ce sens, ce sont là questions de mesure et de pratique qui restent indépendantes de la question de principe. On répète, sans cesse que les hommes ont fait les lois, et les ont faites pour eux. Ce dernier point est loin d’être aussi vrai qu’on le prétend; mais il suffirait que la balance eût penché quelquefois de ce côté, ou que des lois qui ont eu leur raison d’être dans l’état social ne trouvassent plus la même justification dans les mœurs, pour que certaines dispositions légales fussent soumises à un nouvel examen. C’est le devoir d’ailleurs de la société de donner à la femme cette forte éducation qui augmente sa valeur morale et développe ses aptitudes.

Voilà en quel sens on peut accueillir les réclamations sur le défaut de protection suffisante à la faiblesse du sexe féminin, les