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cèrent contre l’annexion à la Croatie; après la dissolution de 1864 les élections donnèrent encore la prépondérance à ce parti; en 1871, les slavisans entrèrent à la chambre au nombre de 28,

Quelques-unes des idées du parti slave en Dalmatie sont aujourd’hui très précises. Ce qu’il veut avec le plus de netteté, c’est le développement national de la province. Il dit avec raison qu’un pays slave ne doit pas se contenter d’une culture intellectuelle empruntée à une autre race, qu’en gardant la langue italienne le royaume sera toujours partagé entre les paysans et les habitans des villes, que cet antagonisme est un principe de faiblesse, que tout développement sera artificiel et non réel, que les Dalmates ne peuvent être que de faux Italiens, qu’ils négligent leurs qualités propres sans acquérir celles du peuple qu’ils imitent. Doivent-ils s’unir à la Croatie? Ici les opinions sont beaucoup plus partagées. Il est évident que l’annexion à cette province suppose tout d’abord la reconnaissance par les Magyars des droits réclamés par la diète d’Agram : l’autonomie des Croates n’est encore aujourd’hui qu’une espérance. Pour le moment, quand le Dalmate a tant à faire chez lui, quand les vœux des Slaves du sud sont encore si loin d’être réalisés, y aurait-il grand péril à laisser la province se gouverner elle-même, sans appeler des voisins de même race, il est vrai, mais fiers, altiers, trop prêts à se souvenir qu’ils ont les premiers combattu pour l’indépendance, trop rudes encore pour ne pas suivre parfois eux-mêmes les procédés rigoureux qu’ils reprochent aux Magyars, leurs maîtres? On parle beaucoup de l’union, c’est là un mot d’ordre comme il en faut à un mouvement populaire; mais de tous les vœux des Dalmates, celui-là certainement n’est pas le plus vif.

Devant ces nouvelles aspirations, que fit l’Autriche? Elle n’agit que faiblement, répétant qu’elle écouterait le désir des populations, qu’elle était prête à y céder. Elle comprenait très bien que la Dalmatie ne resterait pas italienne; les adversaires du parti hongrois ne voyaient pas sans plaisir la Croatie se fortifier de l’appui d’une province importante. Germaniser cette côte eût été un rêve chimérique. Les rivalités de ministère du reste eussent empêché toute politique de compression, lors même qu’il se fût trouvé un esprit assez sûr de lui pour croire une telle conduite profitable aux intérêts de l’empire. Le lieutenant-général, tout en soutenant da son mieux l’administration qui s’habituait difficilement aux idées nouvelles, fut en réalité spectateur de la lutte; il eut pour mission d’en faire connaître à Vienne les épisodes, d’empêcher toute démonstration exclusivement populaire, de conserver à la bourgeoisie la direction du mouvement. L’empereur reçut plusieurs fois la giunta de Dalmatie; il répondit à toutes ces manifestations que les diètes d’Agram