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de Bourbaki, il se donnait à peu de frais des airs de factotum de la guerre, il s’agitait pour s’agiter. Le général Bourbaki craignait de prêter le flanc à l’ennemi dans la marche qu’on lui demandait, de se laisser aller à une fausse manœuvre, que le prince Frédéric-Charles lui ferait expier, et en cela, lui aussi, il se faisait peut-être illusion sur l’ubiquité des Allemands et sur l’immensité de leurs moyens militaires, car enfin le prince Frédéric-Charles ne pouvait pas être partout. S’il se portait en force sur Bourbaki, c’est qu’il aurait lâché prise du côté de Chanzy, qui à son tour pouvait lui faire expier la dispersion de ses troupes ; s’il restait attaché à la poursuite de Chanzy, il ne pouvait pas être en mesure d’accabler Bourbaki. Ce n’était là d’ailleurs qu’une considération presque spéculative. La vraie raison était l’impossibilité de reprendre la campagne avec des corps en dissolution qu’on ne pourrait pas même peut-être maintenir au feu, et, dans les momens où on le pressait trop, le général Bourbaki avait la loyauté de répondre au gouvernement : « Si vous voulez sauver l’armée, il faut la mettre en retraite. Si vous lui imposez une offensive qu’elle est incapable de soutenir dans les conditions actuelles, vous vous exposez à la perdre. Dans le cas où votre intention serait de prendre ce dernier parti, je suis si profondément convaincu des conséquences pouvant en résulter que je vous prierais de confier cette tâche à un autre. » On en était là.


II

Resté seul au combat, sans ressources, sans espoir de secours, au milieu d’un réseau de forces ennemies qui se tendait de plus en plus autour de lui, le général Chanzy n’avait plus qu’un parti à prendre, subir la nécessité, se retirer de ce terrain qu’il disputait depuis cinq jours, et il pouvait d’autant moins hésiter qu’il n’avait plus même ce dernier prétexte d’avoir à couvrir Tours, que le gouvernement venait de quitter pour se réfugier à Bordeaux. Cette retraite, le commandant de la deuxième armée l’avait prévue, il s’y tenait prêt ; mais il ne voulait la commencer qu’après avoir tout épuisé, et il n’entendait pas l’exécuter en vaincu fugitif. Il voulait se replier en homme résolu à se faire respecter et qui va chercher des positions nouvelles. Il avait choisi comme point de retraite la ligne du Loir et Vendôme, avec la pensée, s’il y était contraint, d’aller s’appuyer à la Sarthe et au Mans. Le 11 au matin commençait ce mouvement qui devait s’accomplir en pivotant sur la gauche de l’armée placée à Marchenoir. Ce n’était pas la moins difficile de ces opérations qui se poursuivaient depuis quelques jours, puisque l’armée, quittant définitivement la Loire, dont elle