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ralliaient pas leurs corps. Il y en avait qui rentraient tout simplement dans leurs foyers. L’ordre se relâchait partout. Chanzy voyait le mal, et il ne négligeait rien pour le guérir ou pour en arrêter les progrès. Tantôt il employait la sévérité, tantôt il s’étudiait à relever ses soldats par un ordre du jour qui était à la fois un stimulant viril et un avertissement. « Ce que vous venez de faire, leur disait-il, malgré des privations forcées, des fatigues incessantes, le froid, la neige, la boue de vos bivouacs, vous le continuerez, puisqu’il s’agit de sauver la France, de venger notre pays envahi par des hordes de dévastateurs. Pour nos nouveaux efforts, il faut l’ordre, l’obéissance, la discipline ; mon devoir est de l’exiger de tous, je n’y faillirai pas… »

Malgré tout ce qu’il y avait de critique dans une situation où, pour se mesurer avec des difficultés croissantes, on n’avait plus que des forces diminuées et singulièrement ébranlées, le général Chanzy ne se décidait pas moins à essayer de résister sur cette ligne nouvelle qu’il venait à peine d’atteindre. Dès son arrivée à Vendôme, il plaçait ses troupes de façon à garder dans tous les cas sa retraite assurée par le Perche, en se préparant à recevoir l’attaque qui pouvait venir par la route de Blois. Le 21e corps restait sur la rive droite du Loir, au-dessus de Vendôme, allant de Busloup à Saint-Hilaire par Fréteval, qui était à la gauche de l’armée le point essentiel à défendre contre le grand-duc de Mecklembourg. Les meilleures troupes du 16e et du 17e corps, appuyées par de la cavalerie, étaient sur le plateau de la rive gauche, en avant de Vendôme, surveillant la route de Blois, occupant la bonne position de Bel-Essort et gardant les approches du village de Sainte-Anne. Enfin le général Barry, qui avait quitté Blois le 12 avec tout ce qu’il avait pu réunir, était arrivé à Saint-Amand sur le chemin de fer de Tours à Vendôme. Le général Barry ne savait trop où il en était ni ce qu’il devait faire ; il ne pouvait représenter avec ses bataillons incohérens qu’une aile droite bien faible pour l’armée, et il craignait d’être tourné lui-même par les Prussiens, qu’on disait déjà maîtres de la ligne ferrée à Château-Renault, au-dessous de Saint-Amand. L’ennemi, sans être aussi rapproché et aussi entreprenant que le craignait le général Barry, n’était cependant pas bien loin. La grande préoccupation des Allemands était d’en finir avec cette résistance de Chanzy, qu’on retrouvait toujours, et en réalité le quartier-général de Versailles ne laissait pas de s’inquiéter de l’ensemble de cette situation. Il s’en inquiétait si bien que d’un côté il envoyait de nouvelles troupes à Orléans pour permettre au prince Frédéric-Charles de marcher avec toutes ses forces sur Vendôme, et que d’un autre côté il détachait de l’armée d’investissement de Paris une