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Quant au premier point, l’agrément des études, nous avons de nos jours entendu soutenir la thèse qu’il ne fallait pas les rendre si faciles, puisque le jeune homme devait s’habituer de bonne heure aux luttes inévitables de l’existence. Oublie-t-on que, quoi qu’on fasse, les études auront toujours leur côté pénible, et que le grand art consiste non pas à éviter l’inévitable, mais à enseigner à l’adolescent ce qu’il n’aura que trop d’occasions de mettre plus tard en pratique, qu’il y a du bonheur dans l’énergie déployée, qu’on n’a jamais tort de poursuivre une fin digne des efforts qu’elle coûte ? D’ailleurs Rabelais s’est proposé avant tout d’inculquer à son élève le goût, en lui donnant la capacité, de l’étude. Pantagruel devient avide de connaître, de savoir, prompt à s’enflammer pour toute nouvelle conquête intellectuelle, il conservera ce goût toute sa vie et s’instruire jusqu’à son dernier jour. Voilà le grand point et qui n’a rien à faire avec la préparation mécanique aux examens. Il y a aussi pour les jeunes filles des pensions à magnifique programme, et l’on doit s’étonner de toutes les choses de détail qu’on parvient à emmagasiner dans ces jeunes cervelles ; mais la gracieuse perruche, qui récite si bien ses leçons, mais le candidat victorieux à ses examens, ont-ils le goût de l’étude ? Leur esprit est-il formé à l’indépendance ? Les a-t-on élevés pour la liberté ou pour la servitude ? Sont-ils possédés de la soif sacrée du savoir, du progrès, de la lumière grandissante ? Tant qu’on ne comprendra pas que tel est le seul vrai but de la seule bonne éducation, l’on pourra bien améliorer tel rouage, telle méthode du système en vigueur, on n’avancera guère. Le mécanisme pourra être excellent ; l’esprit, l’âme fera défaut.

Sur le second point, l’universalité ou plutôt l’étendue des connaissances, nous sommes encore dans la période du tâtonnement. Tantôt, sous prétexte d’éducation générale, on renferme les études dans un champ si restreint que l’élève passant pour instruit ignore les choses les plus élémentaires ; tantôt on veut lui en apprendre tant que de tout il ne sait presque rien et se voit fatalement condamné à rester superficiel. Il n’est pas moins évident que nos méthodes d’éducation publique et privée ne mettent pas la jeunesse en contact suffisant avec la nature réelle des hommes et des choses. Il y a du couvent et de la caserne dans notre système de lycées universitaires ou autres, et l’avenir s’étonnera que si longtemps nous ayons eu la barbarie de confiner nos fils, pour leur éducation, entre quatre murs, où ils lisent et écrivent beaucoup, mais d’où ils sortent bien moins expérimentés sur les choses de la vie réelle que s’ils étaient restés au village. Ce n’est pas en sacrifiant les études sans application directe aux sciences d’utilité immédiate que Rabelais espère obtenir pour son élève l’inestimable avantage de l’expérience