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au point de vue du droit par le chancelier de L’Hôpital, ce pontife de l’équité, qui avait dit au parlement de Rouen, dans la séance du fameux lit de justice de 1563, après la pacification de la première guerre civile : « Je vois chaque jour des hommes passionnés, ennemis ou amis des personnes, des sectes et factions, qui jugent pour ou contre, selon le parti, sans considérer l’équité de la cause. Vous êtes juges du pré ou du champ, non de la vie, non des mœurs, non de la religion. Vous pensez bien faire d’adjuger la cause à celui que vous estimez plus homme de bien ou meilleur chrétien, comme s’il était question entre les parties de l’art, doctrine ou vaillance, non de la chose mise en jugement. Si ne vous sentez assez forts et justes pour commander vos passions, abstenez-vous de l’office de juge. Il est aucuns qui craignent l’opinion, disant que dira le peuple? Il est écrit : in judicio non sequeris turbam, » Les Montmorency, ennemis jurés des Guises, s’étaient plus tard comme emparés du parti politique, auquel on avait affecté le nom de mécontens, pour le distinguer des huguenots, mais qui souvent firent cause commune avec eux, comme on le voit dans les monumens diplomatiques[1] et ailleurs; ils publièrent même un manifeste commun en 1574. Les politiques ne se refusaient donc point à la réforme religieuse, mais ils demeuraient catholiques, en demandant la réforme de l’église par l’église elle-même, et en faisant appel sincère à un nouveau concile général. Le président Séguier, Etienne Pasquier, A. de Harlay, De Thou, Dumoulin, Dutillet, comptaient parmi les politiques. Ils proclamaient la liberté de conscience, conseillaient la tolérance, et la ligue les confondit dans ses anathèmes avec les huguenots. Le frère d’Henri III, le duc d’Alençon, avait cru se donner de l’importance en se prononçant pour les politiques, et de concert avec eux il ménagea la paix de Monsieur (1576), dont les concessions excessives eurent pour contre-coup la ligue de Péronne.

Les politiques, placés entre deux partis extrêmes, ne surent pas toujours se défendre eux-mêmes de l’entraînement des partis; eux, qui étaient le parti du droit et de la conciliation, s’abandonnèrent aussi aux violences. On voit, par Lestoile et Palma Cayet, qu’ils ont trouvé Henri III timide pour s’être borné dans les immolations de Blois. Ils publiaient de petites feuilles dans lesquelles on lisait par exemple : qu’avant trois jours il y aurait tant de ligueurs pendus, qu’il ne se trouverait point assez de bois dans Paris pour les gibets[2]. On voit qu’elle est très vieille, l’histoire de ces enragés de modérés. Plus tard, après Ivry, on les trouve impatiens de ce

  1. Voyez le recueil de Tommaseo, t. II, p. 227-229, 623-645, etc., et l’Histoire du chancelier de L’Hôpital, par M. Taillandier, 1862, in-8o.
  2. Voyez le livre de M. de Croze, le plus abondant et le plus étudié qui ait paru sur ces matières, t. Il, p. 187.