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nous indiquerons bientôt nous-mêmes l’origine et les déportemens. Au milieu du trouble si profond de la société française au XVIe siècle, quelle avait été l’attitude de l’épiscopat français? C’était la lumière la plus éclatante du catholicisme européen. L’ébranlement de la réforme l’avait atteint sans doute, comme tous les autres corps de l’état, mais non au profit de l’apostasie comme en Allemagne. La dignité du clergé français était restée en général intacte. Il était partagé cependant, et c’était naturel, à l’endroit de la conduite à tenir par rapport aux propositions de réforme et vis-à-vis des réformés déclarés, le bas clergé prononcé plutôt pour la ligue, et c’était naturel encore : plus de passion et moins de lumières expliquaient cette propension. Le haut clergé avait été moins violent, sauf quelques exceptions. Quant aux curés de Paris, ils étaient divisés d’opinion. Au colloque de Poissy[1], la conclusion eût été favorable à la transaction, si le cardinal de Lorraine n’eût fait pencher vers la rupture et les extrémités. Mais, chose remarquable, dans ses emportemens même le clergé ligueur demeura national et gallican, si l’on excepte les moines, qui avaient une sorte de religion à part. Le cardinal de Lorraine s’était montré intraitable au concile de Trente, sur le point des maximes et libertés gallicanes. C’est en cela que les ultramontains du XVIe siècle diffèrent de ceux du XIXe Henri de Guise et ses amis se déclaraient partisans de la pragmatique de Bourges, qui avait laissé dans l’église de France des regrets non éteints un demi-siècle après sa suppression. Les Guises se bornaient à demander pour la cour de Rome la réception des décrets du concile de Trente, que refusaient les parlemens, et où les questions gallicanes paraissaient être réservées, bien que le césarisme papal y reçût sa consécration.

La bulle privatoire de 1586 détermina une manifestation gallicane plus prononcée. Lorsqu’elle avait été portée au parlement, ce grand corps avait refusé de l’enregistrer, et avait remontré au roi que les princes de France n’étaient point justiciables du pape pour le fait de la politique, et que les sujets n’avaient jamais eu droit de prendre connaissance de la religion de leur prince ; le parlement dénonçait aussi ces artifices romains qui, sous le nom des héritiers du roi, s’attaquaient à l’indépendance de la couronne[2]. C’étaient les mêmes principes que l’assemblée des évêques réunis à Chartres le 21 septembre 1591 consacra par un mandement où les bulles privatoires d’un successeur de Sixte-Quint contre Henri IV étaient déclarées nulles dans le fond et dans la forme, injustes et abusives, données à la sollicitation des ennemis de la France, détournant au

  1. Voyez le curieux mémoire présenté à ce colloque, et dont Mézeray nous a conservé des extraits importans. Œuvres de L’Hôpital, t. Ier, p. 460.
  2. Voyez les Mémoires de la Ligue, t. Ier, p. 222-227.