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deux côtés à cette première entrevue, suivie d’une seconde et de grandes démonstrations de cordialité de la part du pape. Il faut en lire les curieux détails dans l’ouvrage de M. de Hübner, dont le récit, appuyé de pièces probantes, est ici plein d’intérêt. Olivarès était furieux et demanda, la menace à la bouche, le renvoi du duc de Luxembourg. Aux cardinaux de la cabale espagnole, Sixte répondit : « Vous voulez donc m’enseigner mon métier? qu’avez-vous à me dire que je ne sache? Je me suis fait moine à l’âge de neuf ans, j’ai depuis lors constamment étudié et observé, j’ai lu les canons, l’histoire sacrée et les docteurs de l’église. Je n’aime pas que tout le monde se croie appelé à être mon pédagogue, et j’en sais plus long que vous tous. Il n’y a de possible que Béarn, qui se fera catholique, et sera reconnu par l’assentiment universel, » et en consistoire, il dit en s’emportant : « Il y a des aveugles, des imprudens, qui nous blâment de traiter le duc de Luxembourg avec courtoisie, de ne pas le congédier, de ne pas excommunier ceux qui suivent le roi de Navarre ; mais ceux qui parlent ainsi ne savent pas comment doit se conduire un chef de l’église. Moi, je le sais. Je ne pactise point avec l’hérésie, mais je l’écoute. Je n’écouterais pas seulement Navarre, mais aussi le Turc, le Persan, tous les hérétiques du monde, et le diable lui-même, s’il venait demander à me parler. » Toutes les allures et paroles de Sixte-Quint ne laissaient de doutes à personne sur son intention arrêtée de s’arranger avec le roi de Navarre. Ses incartades bizarres et sa loquacité ne permettaient pas de se méprendre sur sa résolution.

C’est alors qu’Olivarès eut recours à l’intimidation. Il fit entrevoir des mesures coercitives contre le pape, des hostilités à main armée, la guerre avec l’Espagne. Sixte se contenta de répondre : « On veut me prendre par la peur, on se trompe de route. » Les intrigues se croisèrent, devinrent plus pressantes, et le 28 février Olivarès eut avec le pape, au sujet de l’expulsion demandée du duc de Luxembourg, une scène des plus violentes, suivie d’une autre plus violente encore quelques jours après, toutes deux accompagnées de menaces réciproques de se porter aux dernières extrémités. Le sacré-collège et Rome entière étaient dans les angoisses, et un moyen terme ménagé par de prudens intermédiaires suspendit toute décision. Gaëtani était d’accord avec les Espagnols pour faire échouer la mission du duc de Luxembourg; une nouvelle audience d’Olivarès poussa le pape dans ses derniers retranchemens. Philippe II lui faisait déclarer qu’il allait se dégager de l’obédience du pontife, en faisant un appel à la catholicité désolée, ajoutant qu’il saurait bien pourvoir aux besoins de la cause de Dieu, à défaut du pape qui l’abandonnait. Le pape assembla les cardinaux, mit sous leurs