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un devoir de transporter les morts au loin pour les inhumer dans des sépultures saintes. Ce transport se pratiquait dans des conditions déplorables. Les corps, parvenus à différens degrés de putréfaction, étaient enroulés dans de simples feutres, rarement enfermés dans des bières en planches minces et mal jointes. En cet état, les cadavres étaient transportés à dos de chameau ou de mulet, en toute saison, à des distances de trente ou quarante journées de marche en moyenne. Il y avait des caravanes de cadavres, de même qu’il y a des caravanes de pèlerins, et il est arrivé à des voyageurs d’en rencontrer qui portaient ainsi de 100 à 200 morts. Il n’est pas besoin de dire combien ces charniers ambulans devaient, en infectant l’atmosphère, favoriser l’activité des manifestations épidémiques. La conférence internationale recommanda au gouvernement persan d’empêcher par tous les moyens possibles, sur son territoire, la multiplication du poison cholérique. Elle insista pour obtenir la suppression des pratiques et des coutumes qui ne peuvent qu’entretenir l’insalubrité dans le pays; elle réclama l’institution de conseils de santé chargés d’assurer l’exécution des règlemens reconnus indispensables pour défendre la Perse elle-même, et par suite pour protéger l’Europe contre l’invasion du fléau. Des vœux analogues avaient déjà été exprimés plusieurs fois devant le shah de Perse par son médecin, M. Tholozan. Dès 1867, un ordre formel du souverain interdisait partout le transport des cadavres; en même temps, d’autres réformes sanitaires étaient préparées. Les avis de la conférence ne pouvaient donc en général qu’être bien accueillis par le gouvernement de Téhéran; mais, si ce dernier n’a fait aucune résistance, il ne lui a pas été et il ne lui est pas encore facile de vaincre celle des habitans. On n’obtient pas en un jour, surtout parmi les populations orientales, la suppression des coutumes séculaires qui se lient à des préjugés religieux. Les membres de la conférence paraissent n’avoir pas toujours suffisamment tenu compte des difficultés d’une pareille entreprise, et M. Tholozan a insisté avec beaucoup de sagesse sur la nécessité d’y apporter de la circonspection et de la mesure. Quoi qu’il en soit, M. Proust, médecin des hôpitaux de Paris, qui a été chargé en 1869 d’une mission en Russie et en Perse, afin d’étudier la prophylaxie du choléra, a pu constater par lui-même les excellentes dispositions de l’administration persane. « La plupart des moyens dont le gouvernement français recommanderait l’application, dit M. Proust, ont déjà été inaugurés par le gouvernement du shah. Un conseil supérieur de santé a été institué; dans ce conseil, les principaux médecins de la Perse ont été invités à siéger. Ils se sont occupés des questions les plus importantes de l’hygiène privée et publique. » Ajoutons que le gouvernement persan a résolu, sur la proposition de M. Tholo-