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de diplomatie sérieuse, puisqu’elle ne pouvait avoir d’amis ou d’ennemis que ceux de Napoléon, et qu’elle ne devait pas survivre à la chute de l’empire.

Le ministre provisoire des finances, le comte Beugnot, comme la plupart des Français employés en Westphalie, avait la nostalgie de la France, de Paris, d’une scène plus en vue. Il demanda bientôt à quitter Cassel, et devint ensuite l’administrateur du grand-duché de Berg. Le successeur de Beugnot au ministère des finances fut un Allemand, le baron de Bülow, âgé alors de trente-quatre ans. Sa parenté avec Hardenberg lui avait valu d’abord une assez belle carrière dans l’administration prussienne. A l’époque d’Iéna, il était président du trésor à Magdebourg : il fit preuve de fidélité à son gouvernement en dérobant sa caisse à toutes les recherches des Français, bien différent de son ennemi et successeur Malchus, qui n’avait fait, dit-on, son chemin dans le monde qu’en dénonçant au gouvernement prussien les caisses du chapitre d’Hildesheim et au gouvernement français les caisses prussiennes, Bülow, après s’être acquitté loyalement envers la Prusse, accepta de passer au service de la Westphalie. Dans son ministère, il favorisa autant que possible les intérêts de la population allemande, donna les places surtout à des Allemands. Il considérait le roi Jérôme comme la seule garantie contre une annexion à la France, mais il regardait l’empereur Napoléon comme l’oppresseur de son pays. Tout en travaillant de son mieux à l’organisation des services financiers, en s’ingéniant à remplir le trésor toujours vide et à diminuer les charges toujours croissantes, en se montrant même, semble-t-il, complaisant pour le roi jusqu’à l’excès, il se tenait au courant des mouvemens de l’opinion allemande, et passait bientôt pour être en rapport avec le Tugendbund et les sociétés secrètes. Aussi, le 8 avril 1811, le roi crut devoir faire arrêter le secrétaire-général des finances et un autre employé de Bülow : il exigea la démission du ministre, mais lui fit un cadeau de 60,000 francs et une pension de 6,000. Récemment Bülow avait été élevé à la dignité de comte. Il vécut alors dans la retraite et dans l’étude jusqu’au moment où la Prusse, qui l’avait pour ainsi dire prêté au royaume de Westphalie, le trouva bon à reprendre comme ministre des finances prussiennes en 1813. Son administration des finances westphaliennes, comme on va le voir, avait été pour lui un rude apprentissage. Malchus, que Jérôme lui donna pour successeur, était peu estimé ; on savait que rien ne l’arrêterait pour conserver la faveur du roi. « C’était le pire des pires, dit Vehse, et sa comptabilité était susceptible d’erreurs qui pouvaient se monter à 1 million de florins. » On adjoignit à Malchus, en qualité d’intendant-général du trésor, Pichon, cet ancien consul de France à Washington à qui Jérôme dans sa jeunesse avait