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Il indiqua toujours avec certitude les moyens qui auraient fait prospérer le royaume et les vices par lesquels il tomba.


III.

Les hommes d’état de la Westphalie. ne pouvaient, dans leurs finances, que songer à satisfaire aux exigences de l’empereur, dans leur armée que lui préparer des auxiliaires, dans leurs relations extérieures qu’attendre et suivre docilement son impulsion. Ils avaient plus de liberté d’action dans la réforme de l’église, des lois et des tribunaux, dans l’organisation intérieure de l’état, dans le service de l’enseignement public. Là, ils avaient un modèle à suivre plutôt que des ordres à exécuter. Jusqu’à présent, nous les avons vus forcés de sacrifier à Napoléon la fortune, les hommes, l’indépendance politique de la Westphalie; maintenant nous les trouvons imitant avec joie des institutions presque démocratiques dont ils avaient déjà admiré la supériorité. Les bienfaits de la révolution de 1789 viennent indemniser les Allemands des sacrifices que leur impose le despotisme militaire. L’égalité civile, que nous avions achetée en France au prix de si cruelles épreuves et de si formidables bouleversemens, va être réalisée dans le peuple westphalien sans qu’il lui en coûte ni révolution, ni terreur, ni guerres civiles, ni journées. L’empire passera, la conscription à outrance, les contributions de guerre, les volontés impérieuses du césar welche passeront; mais l’égalité, une fois inscrite dans la loi, restera. En dépit des restaurations légitimes, le paysan en Westphalie ne pourra plus être serf, ni le dissident persécuté, ni le bourgeois humilié par le seigneur. La suppression même du code civil n’effacera pas de la conscience des peuples de l’Allemagne occidentale les principes qu’il aura proclamés : ils restent, dans les pays que nous avons occupés, l’âme des institutions ou le germe de l’avenir. Ces principes introduits dans les lois westphaliennes, ce sont ceux que les populations germaniques des bords du Rhin avaient acclamés en 1792, à l’aurore de cette liberté française qui promettait d’être celle du genre humain, lorsque, suivant l’expression de Goethe[1], « la danse joyeuse commença autour des nouveaux étendards. » Parmi les hommes qui rédigèrent les codes nouveaux, plus d’un Français avait été entraîné dans l’ardente mêlée de la révolution parisienne, plus d’un Allemand avait salué « les joyeux arbres de liberté » plantés en 1792 sur la terre rhénane.

La constitution n’avait établi qu’un seul ministère pour l’intérieur et la justice; en réalité, il y en eut deux. La justice fut confiée à un

  1. Hermann et Dorothée.