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Montbéliard sur la droite. Bourbaki lui-même était avec le 20e corps de Clinchant en face d’Héricourt au centre. Sur la gauche, Billot avec le 18e corps avait sa direction vers Chagey. Un peu plus loin, à l’extrême gauche, Cremer, venant directement, de Dijon, débouchait avec sa division par Lure. Dans la nuit, tous les chefs de corps avaient reçu leurs ordres de combat.

Dès la matinée du 15, le canon retentissait de toutes parts dans l’atmosphère glacée et allait réveiller les espérances des assiégés de Belfort. L’action, engagée sur toute la ligne, se prolongeait jusqu’au soir. Sur la droite, une partie du 15e corps était chargée de chasser l’ennemi de Montbéliard, de prendre possession de la ville, et on y parvenait sans un trop violent effort ; seulement on était dans la ville, ou n’avait pas la citadelle, où les Allemands avaient pu s’établir et se retrancher par suite d’une incurie de l’administration impériale qu’on n’avait pas eu l’idée ou le temps de réparer[1]. Sur le reste de la ligne, de Montbéliard à Héricourt, des forces du 20e et du 24e corps engageaient une lutte des plus vives, cherchant à entamer directement les positions prussiennes ; mais on avait devant soi deux obstacles des plus sérieux qui rendaient le succès difficile, la Lisaine d’abord, puis le remblai du chemin de fer, et dans la pensée du général en chef, qui se chargeait avec Clinchant de soutenir la bataille sur ce point, la véritable attaque n’était pas là.

L’attaque sérieuse qui pouvait décider du sort de la journée et peut-être de la campagne était sur la gauche ; elle avait été confiée à Billot et à Cremer, qui semblaient toujours fort impatiens de se montrer. À eux seuls, ils avaient 40,000 hommes sur un effectif total d’un peu plus de 100,000 hommes, et 98 pièces d’artillerie sur 240 dont disposait l’armée. Ils avaient la mission d’exécuter un mouvement par lequel on espérait déborder la droite de l’ennemi. Ils devaient partir à sept heures du matin de Beverne, qui n’est qu’à 7 kilomètres de la Lisaine, et se porter sur les positions prussiennes de Chenebier, d’Étobon, de Chagey. Malheu-

  1. Rien ne peint mieux les procédés de l’administration impériale que ce que dit, justement au sujet de Montbéliard, le général de Blois, commandant de l’artillerie du 45e corps : « Cette petite ville possède un château récemment déclassé et dépendant de la direction du génie de Besançon. L’opération du déclassement, simple mesure financière destinée à leurrer le corps législatif, toujours avide d’économies sur le budget de la guerre, consistait simplement à supprimer la garnison et à retirer le mobilier militaire de la place. On se gardait, bien de raser les remparts, mesure indispensable pourtant, mais que l’on omettait pour éviter une dépense. Tout cela était contraire au bon sens. Il résulta de cette omission que les Prussiens trouvèrent dans le château de Monbéliard un excellent poste retranché qu’ils occupèrent sans peine et sans frais, et d’où ils purent faire du mal à la ville. » (L’Artillerie du 15e corps pendant la campagne de 1870-1871.)