Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui toutes les dépenses de son administration et de son armée ; c’est un établissement qui ne coûte rien à la mère-patrie.

Maurice, cette Ile-de-France que les Anglais nous enlevèrent en 1810 et qui est restée française dans sa population et dans ses mœurs, se trouve presque exactement dans les mêmes conditions politiques et financières. Sur 320,000 habitans, 80,000 sont Européens, 206,000 sont des coulies venus de l’Inde avec un engagement temporaire pour travailler aux plantations de canne à sucre, et qui s’en retournent la plupart dans leur pays natal à l’expiration de leur engagement ; le reste se compose de Chinois, d’Arabes et de Lascars. Il y aurait là sans aucun doute les élémens d’un gouvernement libre ; mais les ministres anglais se fondent sur ce que les colons sont Français pour leur refuser des institutions parlementaires. L’organisation municipale même y est encore en enfance. Tous les pouvoirs y appartiennent au gouverneur-général, à côté duquel siège l’assemblée législative, composée de huit fonctionnaires et de onze autres membres choisis parmi les propriétaires et les négociais notables. Il n’est pas sans intérêt de savoir que le code civil est encore en vigueur sur cette terre lointaine. Ce n’est pas au reste un pays bien prospère : le seul produit est le sucre ; la seule nourriture des Hindous, qui forment la majeure partie de la population, est le riz, qu’il faut faire venir du dehors. Presque tout le commerce d’exportation et d’importation roule sur ces deux articles, et, quand il y a disette de l’un ou de l’autre, la misère est grande.

Nous avons passé en revue toutes les colonies de la Grande-Bretagne ; elle possède en outre quelques stations maritimes qu’il convient d’examiner. Entre les colonies et les stations, il y a une différence facile à saisir ; les premières n’ont de valeur qu’autant. qu’elles ajoutent à la grandeur de la mère-patrie tout en lui coûtant peu de chose. Les secondes au contraire peuvent coûter beaucoup, ne rapporter guère et cependant être d’une importance capitale comme ports de relâche pour la marine commerciale ou comme base d’opérations en temps de guerre. Il est rare toutefois qu’une station ne devienne pas une colonie prospère, à moins que ce ne soit un îlot isolé au milieu de l’océan. Dans les mers de l’extrême Orient, l’Angleterre entretient trois stations maritimes, Singapour avec ses annexes de Penang et de Malacca, Labuan sur la côte de Bornéo et Hong-kong à l’entrée de la rivière de Canton. Singapour est, par sa position à la pointe de l’Asie méridionale, l’un des ports les mieux situés du globe ; aussi a-t-il acquis une activité extraordinaire depuis que la Chine et le Japon sont ouverts aux Européens. Ce fut longtemps, on ne sait trop pourquoi, une dépendance de l’Inde anglaise, car l’empire de l’Inde a ses colonies tout comme les états