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à l’heure où les intérêts agricoles sont en question, c’est là un fait d’une sérieuse importance. La compagnie s’engage à transporter pour le compte de l’état, dans des limites fixées par un cahier des charges, les troupes, le matériel les dépêches et le numéraire ; en cas de force majeure, comme celui de troubles graves à réprimer, le gouvernement se réserve le droit absolu de réquisition sur les bateaux. Le budget de la Cochinchine doit subventionner pendant neuf années l’entreprise, et l’on a pu s’effrayer tout d’abord de cette lourde charge imposée à la colonie. La totalité de la subvention atteint un chiffre assez élevé ; mais, pour assurer l’établissement du nouveau service sur des bases solides, ne fallait-il pas venir largement en aide à ses débuts, et prévoir que dans le principe ses bénéfices seraient insuffisans à couvrir les dépenses ? Ces bénéfices ne proviendront en effet que du transport des produits indigènes expédiés des provinces de l’ouest et du Cambodge, et, dans une proportion bien moindre, des passages de Chinois, d’Annamites et d’Européens. Or, dans un pays où les voies de communication sont des rivières et des canaux, où les jonques chinoises ont en partie le monopole du transport des marchandises, chaque propriétaire possède tout au moins une barque, et plusieurs années s’écouleront avant que le progrès ait rallié à lui des esprits méfians et lents à concevoir les bienfaits des idées nouvelles. Les bateaux seront construits en France avec des capitaux français, ils commenceront leur service dans les premiers mois de l’année 1873, et l’on peut prévoir qu’ils auront en Cochinchine un rôle analogue à celui des voies ferrées lors de leur établissement en Europe.

Le 1er août 1871, le télégraphe a mis la Cochinchine en communication directe avec la France, Hong-kong et Singapour. Il serait inutile de dire ici les avantages qu’en peut retirer la colonie. Si le câble anglais qui relie Singapour à Hong-kong avait passé devant nos côtes sans avoir de ramification avec elles, c’eût été pour notre possession un échec grave, un préjudice sérieux aux intérêts de son avenir. Le gouvernement a tout mis en œuvre pour amener la compagnie à traiter avec lui, et ses efforts ont pleinement réussi : un câble annexe de la grande ligne vient aboutir au cap Saint-Jacques. Ce résultat a été obtenu sans qu’il ait été nécessaire d’engager le budget de la colonie. La compagnie n’a réclamé que l’adoption de ses tarifs et l’établissement d’un poste télégraphique au point d’aboutissement du câble ; elle a fait preuve en cette circonstance d’un esprit de modération auquel nous devons rendre pleine justice. La création d’une ligne de bateaux à vapeur qui rappelleront sur nos rivières les steamers des fleuves d’Amérique, l’organisation d’un service télégraphique reliant la colonie à la métropole et aux