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propriété, une étude du mode d’exploitation des bois, des pâturages, puis des terres labourées, nous conduiront à chercher les moyens de ramener la vie là où elle semble éteinte depuis des siècles. Ce travail n’est pas seulement à l’ordre du jour pour la nouvelle capitale de l’Italie, il peut servir à rectifier des préjugés en France même. Ce sera notre réponse à la question par laquelle nous commencions ces lignes : les états de l’église étaient-ils viables ?


I

Qui n’a rêvé de voir le désert, au moins une fois dans sa vie ? Mais partir pour l’Égypte ou pour le Sahara, c’est une perspective peu rassurante ; l’occupation française des états de l’église a fourni l’occasion de se passer cette fantaisie sans presque sortir de France. Rome était devenue comme un département français, et, sans quitter l’ombre de notre drapeau, nos bons bourgeois ont pu voir le désert.

Le désert à Rome ! Sans doute, n’est-ce pas le sort des vieilles capitales ? Ne voit-on pas les poulains et les bœufs paître l’herbe qui pousse entre les pavés de Ravenne, cette métropole du bas-empire latin ? Ce n’est pas en vain que le Forum romanum s’appelle aujourd’hui le Forum boarium. Il est rare de trouver autre chose sur le Célius et l’Aventin que l’ombre épaisse de quelques moines, ou de rencontrer plus de dix personnes à la fois sur l’immense place de Saint-Jean-de-Latran, cette mère des basiliques ; le silence et la solitude règnent dans les deux tiers de l’antique enceinte abandonnée aux maraîchers. Et s’il en est ainsi au dedans des murs, que sera-ce donc au-delà ! Après une demi-heure de course en voiture dans n’importe quelle direction, quand on a franchi la ligne de villas qui forment les faubourgs de Rome et le cordon de vignes qui entoure les murailles séculaires, voici le vide. De grands espaces désolés, des plateaux où il n’y a rien, coupés par des dépressions qui sont à peine des vallons et où il n’y a rien.

Avant de s’arrêter aux monts sabins, l’œil trouve, il est vrai, de rares contours, des points de repère ; mais ne demandez pas si ces amas de murs sont des fermes ou des villages, il n’y a là que des ruines, des aqueducs écroulés, des tombeaux, — des tombeaux surtout : c’est la mort qui survit le mieux. Cette longue ligne qui monte et se continue durant six lieues jusqu’aux monts albains ressemble à une rue de village bordée de huttes, c’est la voie des tombeaux, le cimetière des anciens ; ce tertre oublié dans la plaine, une tombe ; cette tour qui domine la solitude, un sépulcre. Ces