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pecorari les ont dépouillés de leur chevelure de feuillage et de leur pelure de liège ; le buste, gris et haché, est seul debout, défiant la paresse des dévastateurs. Pourtant qui n’a entendu dire que la végétation assainit un pays, qu’elle contribuerait à diminuer la malaria, qu’en plantant un désert on en bannirait la mort ? Cette opinion est l’exagération d’un fait vrai. Bien des forêts luxuriantes de la côte sont précisément l’asile de la fièvre ; mais que penser de ce préjugé si répandu dans les états de l’église qu’un arbre est chose malsaine, qu’on risque de se refroidir à son ombre et d’y prendre la fièvre !

Des individus isolés passons à la macchia. Cette masse de broussailles parsemées de clairières, ce pêle-mêle d’arbustes toujours verts, chênes, lentisques, arbousiers, pourquoi tout cela ne grandit-il point ? Demandez-le aux pâtres de ces régions abandonnées, avec leurs jambes enveloppées de poil de chèvre et leur houlette de six pieds ; ils vous répondront en vous montrant, par-dessus la ligne des feuillages ondulans, de longues cornes qui surmontent des têtes inquiètes, des yeux aux aguets ; ce sont leurs grands bœufs noirs ou gris, farouches et peu rassurans. Ils sont poétiques sous leurs armures énormes, ces sauvages dévastateurs de bois ; mais aussi ils sont bien maigres sous leur manteau argenté. Que peuvent-ils trouver à paître à travers ces branchages qu’ils font craquer sous leurs bonds ? Des feuilles et de jeunes pousses ; or, si le régime leur va peu, les bois qu’ils foulent, brisent et tondent sans pitié ne s’en portent pas mieux. On se demande même comment un seul arbuste peut résister à ces épreuves.

La nature est souple dans sa fécondité ; trouvant les quadrupèdes si voraces, elle a donné naissance à des plantes si peu friandes que les bœufs ont bien dû leur laisser place au soleil. Les arbustes de plus noble essence, déformés par tant d’assauts, se hérissent de pointes, se contournent, se démènent ; leur ombre abrite des venins, leur pied porte des parasites amers ; d’acres plantes bulbeuses leur disputent les sucs nourriciers, des euphorbes au lait meurtrier envahissent le sol. Comment l’arbuste deviendrait-il un arbre ? Le bœuf lui a coupé la tête, le mouton dévore les basses branches ; ce que les deux premiers n’ont pu lui prendre, la chèvre le lui enlève sans pitié, l’écorce même y passe.

Telle étant la destinée commune de la majorité des bois dans le Latium, il y a lieu de se demander comment il se fait que la peinture rencontre précisément dans ce pays les plus beaux modèles d’arbres à imiter ? La raison en est simple : c’est que tantôt un pape a sauvegardé quelques ombrages aux abords du château, à Castel-Gandolfo par exemple, tantôt un neveu de pape a voulu se créer une villa splendide où trouver la fraîcheur en pleine canicule. Et comme tout