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grands propriétaires n’avaient pas de meilleur parti à prendre jusqu’ici que de louer aux marchands de campagne, et que ceux-ci ne pouvaient pas non plus mieux utiliser le désert qu’en le couvrant de tous les bœufs et de tous les chevaux possibles, ou qu’en le sous-louant aux pecorari des Abruzzes et de la Sabine.

Ce qu’auraient pu faire les mercanti di campagna, c’est d’apporter plus de soins dans le perfectionnement de leurs troupeaux. Quelle que soit la difficulté de bien surveiller bêtes et gens sans résider au milieu de l’exploitation même, il était possible de ne pas laisser abâtardir les races, ou de les régénérer par la sélection et le croisement. Nous ne dirons pas de mal des chevaux romains ; ils montrent des qualités naturelles très appréciables. Quelques marchands et même quelques propriétaires sont supposés élever des races spéciales qui portent leur nom. Chaque animal est marqué à la cuisse du chiffre de son maître, afin qu’il puisse être retrouvé quand les rustiques barrages des enclos n’ont pas suffi à le retenir, C’est des pâturages de Serafini que sortent la plupart de ces énormes chevaux noirs à la tête busquée, à la puissante encolure, qui traînent, sous les torsades brillantes de leurs harnais, les carrosses dorés des princes de l’église. On leur reproche un peu de mollesse ; les chevaux de taille moyenne par contre ont dans l’agro romano des qualités auxquelles il faut rendre justice, une ténacité à l’épreuve du soleil le. plus caniculaire, une résistance qui permet de franchir de larges déserts sans débrider. Par une sélection plus intelligente et des soins plus attentifs dans l’alimentation, on obtiendrait certainement avec les races du pays même des résultats rémunérateurs. Malheureusement là, comme dans le reste, il y a eu jusqu’ici un incurable abandon. Comment par exemple des animaux qui jeûnent si souvent pendant les hivers froids ou les étés trop secs pourraient-ils acquérir toute la taille et tout le développement désirables ? Il n’y a que les sujets hors ligne qui puissent se vendre à des prix élevés ; la majorité s’étiole, et, tout en gardant les aptitudes inhérentes à la sauvagerie, telles que la sobriété et la ténacité, ces pauvres bêtes perdent beaucoup de la valeur qu’elles auraient pu atteindre avec des soins plus assidus.

Si le mérite des cavallari est incontestable comme dompteurs, il faut dire aussi que les connaissances leur font défaut pour qu’ils puissent bien choisir les reproducteurs et surtout améliorer l’espèce par l’éducation. Ni le propriétaire, ni l’entrepreneur principal de l’exploitation ne mettent à leur disposition les ressources nécessaires. Les bâtimens manquent, la surveillance manque aussi, et il suffit d’une année défavorable pour réduire le plus beau troupeau à l’état de squelettes ambulans. Voilà donc encore une source de