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ou plutôt à son chef cavalier ; si vous parvenez à le dérider, il pourra vous faire asseoir à sa table. Celui-là mange, parce que Rome est à proximité. Quelques volailles rôdent autour de son taudis. En tout cas, il peut vous offrir du lait, car il a de nombreuses vaches laitières. Lui-même n’est payé que 60 francs par mois ; mais on le gratifie d’un écu à chaque bête qui se vend, et il s’en vend une centaine par an. Ses inférieurs, qu’il paie au compte du mercante et dont il est responsable, ne reçoivent que 10 écus l’été, 8 l’hiver ; 10 hommes sont nécessaires pour 5 ou 600 bêtes, à cause des laitières qui demandent des soins. Ces soins consistent à les appeler à heure fixe autour du bâtiment à son de trompe. A demi apprivoisées par la lactation, ces bêtes accourent. Le vaccaro s’approche, jette un lacet autour des cornes de celle qu’il veut traire, enroule le même lacet à la jambe antérieure, de façon à forcer l’animal à infléchir la tête d’un côté. Ainsi retenue, la pauvre bête n’oppose plus aucune résistance ; le vacher a des procédés habiles pour l’adoucir et lui faire donner son lait. Voilà le parti qu’on tire des mères dont les petits mâles ont été livrés à la boucherie ; les autres sont laissées en liberté dans la macchia avec leurs produits, qu’elles y élèvent. Le lait, quand il n’est pas transformé en fromages, est porté à Rome dans des vases de cuivre, sur les carrozze bien connus des voyageurs. Ces chars, attelés d’un petit cheval courageux sont conduits d’ordinaire par un homme monté lui-même-sur un-autre petit ours qui galope à côté. Il faut une singulière dextérité pour jouer ainsi au postillon avec ces longs chars rudimentaires, à travers les rues de Rome.

Tout cela n’est point encore de la culture ; le labour occupe si peu de place dans la campagne de Rome ! et pourtant telle est l’étendue des exploitations que certains jours on pourrait voir trente ou quarante charrues tirées presque de front par soixante ou quatre-vingts paires de bœufs à la fois. On a besoin de ces forts attelages pour défoncer les landes dans la mesure où les baux permettent le défrichement. On y emploie des instrumens tout primitifs, qui doivent être de l’invention de Cincinnatus ; mais un certain travail se fait néanmoins. Malheureusement l’année suivante le labour retombe en friche. L’entrepreneur n’a pu perfectionner les procédés, parce que jusqu’ici il n’a pas vécu surplace. Les réformes agricoles ne s’opèrent que sous l’œil d’un maître énergique et toujours présent. Habitant de la ville, le mercante est obligé de s’en remettre pour la surveillance journalière à son ministro, ni plus ni moins qu’un roi constitutionnel. Le ministro fait agir son chef laboureur, son chef bouvier, son chef piqueur. Ceux-ci à leur tour ont sous leurs ordres plusieurs caporali qui commandent à des bandes de manouvriers. Ce nombreux personnel, tout