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la lèpre[1]. Nous n’avons rien dit du lac Méron ni des autres lacs consacrés aux déesses d’Askalon et d’Hiérapolis, ni de la source vénérée du Jourdain et des autres sources également saintes de la Palestine. Nous avons rappelé qu’on sacrifiait sur les collines et sur les montagnes, et que tous les temples fameux des Sémites avaient été bâtis sur des hauteurs ; mais nous n’avons point parlé du Morijah, du Tabor, de l’Horeb, de tous ces monts sacrés où Jahveh se révélait dans la flamme à ses adorateurs. Il habite à jamais sur la montagne de Basan[2] . Il se montre lui-même avec toute sa majesté aux yeux de l’homme dans le passif du cap Théou-Prôsopon (Phaniel ou Phanuel), « visage de El. » Une ramification de l’Anti-Liban, le neigeux Hermon, est appelée la montagne de Baal-Hermon[3], et était encore, au IVe siècle de l’ère chrétienne, révérée comme un dieu par les populations syro-phéniciennes. Dans les traditions juives, cette montagne devint même une sorte de Brocken où, comme dans une nuit de Walpurgis, les anges s’étaient unis aux filles des hommes. Les Hébreux ont certainement adoré le Liban comme un dieu. Le Carmel, où se trouvait encore au premier siècle de notre ère un oracle célèbre, était bien tout à la fois, comme le dit Tacite, une montagne et un dieu[4].

Enfin, après avoir étudié les divinités des cieux, des fleuves, des lacs, des sources et des montagnes, il aurait encore fallu rechercher quelles étaient ces divinités des plaines et des forêts, ces satyres qu’Isaïe nous montre bondissant çà et là dans le désert, s’appelant et se rencontrant dans les solitudes[5]. Les Hébreux ont connu les spectres du matin, les démons du midi, et l’essaim malfaisant des esprits de la nuit[6]. Les divinités babyloniennes et phéniciennes sont souvent devenues des démons chez les Juifs, et plus tard chez les premiers chrétiens. M. François Lenormant nous apprend à ce sujet que, dans les formules magiques de la feuille d’argent d’origine juive entrée au Louvre avec la collection Campana, les démons serpentiformes sont nommés barbar, appellation accadienne du dieu Marduk (planète Jupiter). Les Hébreux ont surtout dans leur démonologie un monstre étrange et vraiment sémitique, c’est Lilith, à l’origine une des épouses du dieu assyrien Samas, le soleil, et dans laquelle il faut voir la nuit, sorte de goule funèbre, larve nocturne qui prend la forme et la parure d’une jeune épousée,

  1. II Reg., v, 10, 12, 14.
  2. Ps. LXVIII, 17.
  3. Jud., III, 3.
  4. I Reg., XVIII, 32 ; Mich., VII, 14.
  5. Is., XIII, 21 ; XXXIV, 14.
  6. Ps. CXXI, 6. Targ. ; Ps. XC, 6 LXXX ; Cant., IV, G. Tarj.