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talens les moyens de se produire, les architectes actuellement chargés de plusieurs tâches seraient mis en demeure de désigner celle qu’ils tiendraient le plus à conserver. Debret se trouvait au nombre des plus largement partagés, puisqu’il dirigeait à la fois les travaux de restauration dans l’église royale de Saint-Denis et la construction de la nouvelle École des Beaux-Arts. Il opta pour les fonctions qu’il remplissait à Saint-Denis depuis quelques années, et la nomination de son beau-frère à l’autre place qui lui avait appartenu fut la conséquence de ce choix.

Duban n’oublia jamais le service aussi important que désintéressé que lui avait rendu dans cette circonstance un homme dont il n’avait ni désiré, ni espéré, encore moins sollicité les bons offices. Si, cette fois comme toujours, il s’abstint de toute démarche personnelle, si ce premier succès lui vint, comme devaient lui venir tous les autres, sans autre raison d’être que son propre mérite et la justice spontanée d’autrui, il n’en garda pas moins au fond de son cœur, il s’exagéra presque la reconnaissance due à celui qui, disait-il, lui avait « ouvert la carrière et procuré l’honneur. » — Hélas ! encore quelques années, et cette dette de gratitude allait être, en face de la mort, bien acquittée par lui. Lorsque Delaroche eut perdu la noble jeune femme à laquelle il avait donné son nom, le tombeau qu’il lui éleva dans le cimetière du Nord fut exécuté sur les dessins de Duban. Celui-ci en fit un véritable chef-d’œuvre où l’on ne sait ce qui émeut le plus de l’expression pieuse des formes générales ou de l’élégance discrète et comme attendrie des détails : monument exquis, digne à tous égards des cendres qu’il renferme et des souvenirs d’une vie qui n’a laissé après elle que la tradition ou les exemples de la vertu sans morgue et de la grâce sans futilité. Lorsque Delaroche mourut à son tour, ce fut Duban encore qui réclama le privilège de consacrer avec le marbre la mémoire de celui dont il avait été l’obligé avant de devenir par droit de talent l’égal et l’ami.

A l’époque où Duban prenait possession de son emploi d’architecte de l’École des Beaux-Arts, tout, à vrai dire, était à faire dans l’enclos qu’on lui livrait, bien que le sol ne fût rien moins que nu. On sait que le gouvernement de la restauration avait décrété le rétablissement dans les lieux où ils se trouvaient avant la révolution de tous les monumens qu’Alexandre Lenoir avait réunis, pour les sauver de la ruine, sur les terrains occupés depuis le commencement du XVIIe siècle par le couvent des Petits-Augustins. La plupart des morceaux d’architecture ou de sculpture dont se composait naguère le Musée des monumens français, — tombeaux, statues ou pierres commémoratives, —avaient donc été rendus aux églises ou aux abbayes auxquelles ils appartenaient primitivement ; mais certains autres