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les premières victimes du succès de leur œuvre. Autant il eût été difficile de se substituer à un empire fédéral, autant il a été aisé, en s’emparant d’une capitale, d’abattre d’un seul coup une dynastie séculaire. Les révolutions de 1598[1] et de 1789, qui ont également abouti à une anarchie temporaire, se sont chargées de dissiper les illusions des successeurs d’Ivan le Terrible et de Louis le Grand, en brisant avec une facilité singulière les pieds d’argile d’un colosse qu’on jugeait inébranlable.

Dès le début des triomphes de la nation mongole, la force des choses prépare l’avènement de la centralisation. Avec Iaroslav II Vsélovodovitch (1238-1247), le schisme politique devait cesser complètement par la prise de Kiev, qui ne pouvait plus échapper aux Mongols. Kiev n’était plus sans doute le vrai centre de la Russie ; mais le prestige de la vieille capitale des Rurikovitchs lui conservait encore une importance capable de porter ombrage aux princes de Vladimir. Il était réservé à Moscou d’hériter au siècle suivant (1328) et de Kiev et de Vladimir, quand Ivan Danilovitch transféra le trône du veliki kniaz (grand-prince) dans cette ville ; enfin les Romanov devaient placer la capitale dans les états de Rurik et de ses deux frères, qui comprenaient les gouvernemens actuels de Pétersbourg, d’Esthonie, de Novgorod (où s’était établi Rurik) et de Pskof.

Au commencement du règne de Iaroslav II (1238), la Russie jouissait d’un moment de répit. Bâtou, après sa première campagne, s’était replié sur le Don dans le pays des Koumans, dont il s’occupait d’assurer la soumission au kha-khan. Le résultat a été si complet que ce peuple a disparu de l’histoire. J’ai cependant retrouvé en Hongrie la trace des Koumans, que l’on croit à tort n’avoir plus de représentans. Des débris du peuple petchenègue et de la nation koumane vinrent se fondre dans les rangs des Magyars. Les Koumans ont donné leur nom à la grande et à la petite Roumanie, et deux rois de Hongrie portent encore dans l’histoire l’épithète de Kouman. La sympathie qui existait dès le principe entre les Magyars et les Koumans, sortis les uns et les autres de la souche finno-mongole, s’étant manifestée énergiquement plus d’une fois, on leur donna des terres dans les comitats de Csongrâd, Pest, Bacs

  1. Pierre de Laville, sieur de Dombasle, Discours sommaire de ce qui est arrivé en Moscovie depuis le règne de Ivan Wassiliwkh, empereur, jusqu’à Vassili Ivanovitz Sousky (1601). Cet écrivain français parle du dernier tsar Rurikoritch comme les partisans de Louis XVI du roi capétien, « Féodor, dit-il, a régné quatorze ans en grande unité en son pays, augmenté son estat du royaume de Sibiria (la Sibérie). Quant à ses sujets, il a régné de sorte qu’ils ont en général confessé n’avoir été si heureux durant aucun règne d’empereur qui ait esté devant lui. Après il a été empoisonné de l’ordre de Boris Gaudenou. » Un autre Français, Margeret, raille sa dévotion.