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III

Le prince de Galitch, Daniel, qui avait quitté Kiev avant la prise de cette ville pour implorer le secours de Bêla IV contre les Mongols, s’était retiré en Mazovie, puis il s’était établi à Kholm, qui avait échappé à la dévastation générale. Obligé d’y lutter contre l’esprit anarchique des princes qui se disputaient les villes saccagées, il se décida à partir pour la cour de Bâtou, afin d’obtenir ce titre de vassal qui avait pris tout à coup tant d’importance, et qui était respecté même des Magyars, d’abord si disposés à faire peu de cas de la puissance mongole. Jean du Plan de Carpin ne pouvait donc avoir recours à Daniel, quand il voulut pénétrer en Russie. Il dut s’adresser à son frère Vassilko, qui emmena le franciscain dans son pays, à Vladimir en Volhynie, où les envoyés d’Innocent IV s’occupèrent immédiatement de décider les Russes à reconnaître le pape comme chef de l’église.

Cette tentative n’était pas la première faite par la papauté. Grégoire VII avait eu sous le règne d’Isiaslav Ier (1054-77) la plus favorable occasion d’imposer son autorité à la Russie. Les innovations n’effrayaient point le prince, qui remplaça la peine de mort par des amendes. Accablé par les Koumans et par les factions, il était en outre disposé aux concessions pour trouver des alliés. Il eut d’abord recours aux princes catholiques, au roi de Pologne et à l’empereur d’Allemagne. Enfin réduit à l’extrémité, il s’adressa à Grégoire VII en lui promettant de faire reconnaître en Russie son pouvoir spirituel et temporel ; mais Isiaslav ayant repris l’avantage n’eut plus de motif de devenir vassal des papes. Innocent III s’inquiéta des conquêtes que le prince de Volhynie Roman faisait aux dépens des Polonais. Sous le règne du grand-prince Vsélovod III, son légat fut chargé de proposer au terrible Rurikovitch le titre de roi et l’appui de l’épée de saint Pierre. Le prince tira son épée et la fît resplendir aux yeux de l’envoyé du pontife. « Le pape, dit-il avec ironie, en a-t-il une semblable ? » Le règne de Vsélovod n’était pas terminé, que l’évêque de Rome avait répondu à cette question. Innocent, dont l’autorité venait d’être reconnue à Constantinople, fonda (1201) l’ordre des chevaliers porte-glaive, qui devaient continuer au nord l’œuvre commencée au midi par « l’épée de saint Pierre. » L’invasion mongole fit croire à Innocent IV que l’adversité rendrait les Russes plus dociles.

Vassilko, qui avait reçu le légat avec courtoisie, consentit sans peine à convoquer des évêques, et Jean leur lut les lettres du pape, qui les exhortaient à se soumettre. Il ajouta toutes les raisons qui lui parurent propres à convaincre le prince et les prélats. Ils se