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rien négligé de ce qui doit tenter l’état et séduire le public ; ils ne demandent ni subvention ni garantie d’intérêt, ils se contenteraient de tarifs inférieurs aux prix actuels sur un parcours plus direct et plus accéléré ; ils organiseraient le service dans les meilleures conditions de sécurité et de confort ; ils favoriseraient l’ouverture d’embranchemens ou de correspondances se rattachant à la grande ligne : avec cette création, on n’aurait plus à craindre les encombremens ni les retards, et l’industrie des chemins de fer entrerait dans une ère nouvelle sous le drapeau de la concurrence. Tel est le programme soutenu et attaqué devant le gouvernement et le pays au nom des intérêts considérables qu’il met aux prises. S’il ne s’agissait que de conflits particuliers, il y aurait convenance à ne pas intervenir dans le débat ; mais la question a une portée plus haute, et elle est véritablement d’intérêt général. Elle touche à l’interprétation et à la moralité des contrats, à la fortune publique comme aux fortunes privées, à l’emploi des forces productives d’un grand pays : c’est, pour les chemins de fer français, une question constitutionnelle.

Le réseau a été conçu de telle sorte que toutes les parties du territoire fussent autant que possible desservies et reliées entre elles, d’abord par de grandes lignes partant du centre, c’est-à-dire de Paris, puis par des lignes secondaires construites au fur et à mesure des ressources disponibles. C’est ainsi que l’on a successivement établi 17,000 kilomètres ; on a de plus concédé 7,000 kilomètres, et l’on en concédera d’autres encore, jusqu’à ce que le réseau soit achevé, si jamais il doit l’être. Par ce procédé méthodique, la portion du capital national qui peut être consacrée aux chemins de fer a reçu l’emploi le plus utile et le plus équitable ; nulle part il n’y a eu excès de rails ni déperdition de forces, et le bienfait des voies ferrées a été ou sera réparti au profit de toutes les régions. Le grave souci des pouvoirs publics en cette matière est de veiller à ce que le capital soit bien employé et dépensé à propos. C’est un devoir dans tous les pays, à plus forte raison dans ceux où le gouvernement s’est réservé la haute main sur les travaux publics. Par conséquent, lorsqu’il se présente un projet de ligne à construire, la première question à examiner est celle de savoir si cette ligne nouvelle est nécessaire, si elle sera plus utile que telle autre ligne demandée ailleurs. Sinon, l’on risque de faire une prodigalité. Peu importe la somme ; tout capital gaspillé est une perte pour le travail et pour la prospérité générale.

Ce point établi, est-il en vérité bien nécessaire de construire quant à présent une ligne nouvelle de Calais à Marseille sur un parcours de 1,100 kilomètres, à côté des lignes qui existent déjà ? L’on démontre cette nécessité par les embarras de circulation qui