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plaques des plumes des oiseaux. La poussière métallique qui reste aux doigts quand on froisse l’aile d’un papillon provient uniquement de ces écailles, disposées comme les tuiles d’un toit et affectant parfois les formes les plus élégantes. Elles perdent leur coloris sous le microscope, et la qualité des reflets montre que le phénomène est identique à celui des plumes. On constate cependant une curieuse différence dans l’étendue de la gamme chromatique. Tandis que les couleurs de l’oiseau-mouche parcourent toute l’échelle du spectre depuis le violet jusqu’au rouge en passant par le vert, les couleurs métalliques des papillons appartiennent de préférence aux rayons les plus réfrangibles du spectre depuis le vert jusqu’au violet en passant par le bleu. Tout le monde connaît l’admirable nuance lilas du morpho menelas et du morpho cypris, dont la bijouterie elle-même s’était emparée il y a quelques années : on voyait dans les vitrines de nos joailliers des ailes de ces papillons, artistement collées sous une mince plaque de mica et qui servaient à la parure. Le vert franc n’est pas moins commun, mais le rouge métallique est rare, et l’urania rypheus est presque une exception : c’est un beau papillon de Madagascar, tout voisin d’une autre espèce qu’on trouve à Ceylan et dans l’Inde. Celle-ci a les ailes d’un noir velouté relevé de taches vertes brillantes ; à Madagascar, ces taches font place sur la seconde aile à une marque rouge de feu.

Il y a entre l’éclat métallique des animaux aériens par excellence, comme les oiseaux ou les papillons, et les nuances irisées des poissons la même différence qu’entre le rayonnement vigoureux du bismuth cristallisé et les doux reflets des couleurs changeantes de l’opale. Il faut avoir vu, non pas sur la halle de Paris, mais sortant des filets, une alose de la Seine pour se faire l’idée d’une pareille richesse. Tout l’animal n’est qu’une immense opale avec le même velouté transparent de nuances qui chatoient dans la profondeur des écailles. Aussi l’argenture des poissons a-t-elle donné le seul moyen d’imiter les perles. Celle-là est due non point aux écailles mêmes, mais à de petites lamelles extrêmement minces, situées plus profondément que l’écaille, sous la peau ou même plus loin, autour des vaisseaux sanguins, qui semblent autant de fils d’argent courant dans les chairs. C’est Réaumur qui a le premier bien vu et bien décrit ces lames : elles ont parfois une forme aussi régulière que celle d’un cristal. Les plus petites mesurent à peine un millième de millimètre, et leur épaisseur est beaucoup moindre. Les plus grandes ont souvent cinq ou six millièmes de millimètre de large et le double en longueur, mais elles sont tout aussi minces que les autres, « à tel point, dit Réaumur, qu’on ne peut apercevoir leur épaisseur. » Et, comme on n’en voit jamais dans le champ du