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Isée, compléter par un codicille sous seing privé un testament confié au magistrat, y ajouter sans doute quelque libéralité accessoire, quelque legs à titre particulier ; mais le législateur n’avait pas voulu que, dans un moment de passion ou de faiblesse, on pût, par cette voie, annuler un ensemble de dispositions combinées jadis avec réflexion, et dont l’état était en quelque sorte devenu le garant alors qu’il en avait accepté le dépôt. Pour abolir un acte conçu dans la forme authentique, il fallait comparaître une seconde fois devant le magistrat[1]. Des précautions analogues avaient été prises pour l’acte remis aux mains d’un tiers. La volonté d’un citoyen n’était pas enchaînée à tout jamais par un premier testament, mais on ne lui permettait pas de se déjuger à la sourdine, sous l’empire peut-être de quelque puérile rancune et pour des motifs qu’il n’oserait même pas laisser soupçonner. Isée nous montrera comment se passaient alors les choses. Euctémon a fait un testament et l’a déposé chez son parent, Pythodore de Céphise, en présence de témoins. Il veut plus tard annuler le testament ; mais il ne lui suffit pas pour cela d’en faire un autre ni de demander que Pythodore lui remette cet acte de la main à la main. Pythodore n’a point, à ce qu’il semble, le droit de s’en dessaisir ainsi : Euctémon est forcé de l’assigner devant l’archonte ; il le somme de produire cette pièce. Pythodore se déclare prêt à le faire, mais il demande un délai jusqu’au moment où la fille de Chéréas, un des gendres d’Euctémon, alors orpheline et mineure, aurait quelqu’un pouvant la représenter et consentir en son nom à la remise du testament, qui avait été confié à Pythodore avec le concours et l’approbation de Chéréas. Euctémon, en présence de cette opposition, n’insiste plus pour ressaisir la pièce ; il déclare devant l’archonte qu’il abolit le testament, qui reste entre les mains de Pythodore, et il se retire après cette déclaration, dont acte lui est donné. La loi respectait, on le voit, jusqu’au dernier moment la liberté du citoyen ; mais elle cherchait à le protéger contre des surprises qui devenaient plus à craindre à mesure qu’il avançait en âge et que l’intelligence faiblissait. Par les démarches qu’elle lui imposait à fin de recouvrer ou d’infirmer l’acte qu’il avait déposé, elle lui donnait le temps de réfléchir, elle le forçait à se rendre compte et quelquefois à rendre compte aux autres des motifs de sa résolution. En ceci, comme en bien d’autres choses, la loi athénienne était plus judicieuse qu’on ne serait porté à l’attendre de ce caractère de légèreté et d’étourderie qu’il est de mode de prêter aux Athéniens.

Après avoir indiqué dans quel esprit les lois attiques réglaient

  1. De l’héritage de Cléonyme, § 24, 25.