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LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

ainsi pour eux deux écueils à franchir : la domesticité et la division du travail.

Cet enfant que ni le patron ni la famille ne défendent, la loi au moins se portera-t-elle à son secours ? À diverses fois elle l’a essayé, et n’a épargné ni les conseils ni les remontrances. La loi de l’an XI n’était guère que comminatoire, celle du 22 mars 1841 ajoute des prescriptions positives. Fixant une limite au travail des enfans, elle impose en même temps au patron l’obligation « d’enseigner à l’apprenti, progressivement et complètement, l’état, le métier, la profession spéciale pour laquelle il est engagé, » et pour ces actes de tutelle prend à partie le père de famille. Ce n’est pas tout : devant des abus déjà crians, elle a fait un appel à toutes les influences qui pouvaient y faire obstacle, la vigilance des commissaires de police, l’autorité des prud’hommes, l’assistance des comités de patronage, des maires, des délégués cantonaux. Enfin, plus récemment, une dernière loi du 5 mars 1851 a fortifié d’une sanction de plus ces mesures tutélaires. En réalité, l’apprentissage n’avait été jusqu’alors qu’une parole en l’air, un engagement sans valeur ; cette loi a voulu qu’il devînt un contrat au même titre que ceux dont notre code fait mention et non moins digne de respect. Par trois fois déjà et dans trois monumens de jurisprudence, l’opinion publique a ainsi prouvé avec quelle sollicitude elle veille sur les intérêts que désertent leurs défenseurs naturels.

Comment se fait-il que cette intervention n’ait pas été plus efficace ? Par la faute des hommes et l’insuffisance des textes. Les hommes manquaient d’attributions, les textes de précision. La loi du 22 mars 1841, par exemple, ne péchait que par un point, l’oubli volontaire ou involontaire d’une inspection soldée ; cette lacune a suffi pour en faire une lettre morte. Des inspections gratuites n’ont pu y suppléer ; on ne savait au juste où les prendre, ni quelles armes leur donner ; à peine de loin en loin en sortait-il quelque dénonciation pour des sévices qui allaient jusqu’au scandale et s’emparaient de la notoriété. Les griefs de moindre importance demeuraient étouffés et laissaient la carrière ouverte au pire des abus, l’abus de l’enfance. Même défaillance à propos de la loi du 4 mars 1851, et pourtant quelle réforme allait plus droit au but ? Exiger un contrat écrit là où régnait le vague des conventions verbales, c’était supprimer d’un coup les désaveux et les chicanes qui sont la monnaie courante sur le marché des apprentis. Le résultat eût été trop beau, la fatalité s’en est mêlée, et là aussi il y a eu un échec, fixé dans quelques chiffres. Sur les 25,540 enfans que devait couvrir à Paris la protection du contrat, 4,523 seulement en ont joui ou pu jouir, et la vérité est que dans ce nombre même il y a quelques fictions. Les stipulations de la loi de 1841 ne sont applicables