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celui-ci à son tour est susceptible d’éprouver la fermentation acétique et de donner à la pulpe une saveur acide. Enfin la pulpe elle-même est détruite par diverses moisissures. Lorsqu’un fruit se gâte et acquiert un goût plus ou moins désagréable, cela tient donc à l’intervention de cellules à ferment d’origine atmosphérique, et à la production de matières alcooliques ou acides. Un habile micrographe, M. Engel, qui a étudié récemment avec soin ces phénomènes, a trouvé que les cellules à ferment qui déterminent ainsi la fermentation alcoolique des sucs de fruits présentent quelques légères différences d’un fruit à un autre et n’ont pas non plus les mêmes caractères morphologiques que celles du moût de raisin ou du moût de bière. Il se forme ici des variétés, correspondantes aux milieux divers dans lesquels se fait la nutrition du petit champignon.

Les champignons microscopiques de l’atmosphère jouent un rôle non moins intéressant dans l’altération des vins. Ceux-ci s’aigrissent, tournent, deviennent filans et huileux, ou encore acquièrent une amertume prononcée. Toutes ces maladies tiennent au développement de divers microphytes reconnus et décrits par M. Pasteur ; toutefois ce savant ne s’est pas borné à déterminer la nature de ces « maladies, il a cherché à les prévenir. S’appuyant sur d’anciennes observations d’Appert, il a eu l’idée de soumettre les vins à l’action d’une température élevée, afin d’y anéantir les germes de ferment. Il n’y avait pas de doute possible touchant la destruction de ces germes et la suppression de toute altération ultérieure, maison pouvait se demander si la délicatesse et le bouquet de certains cépages ne seraient pas compromis par l’effet du chauffage. L’expérience, et une expérience prolongée, a prouvé que le chauffage non-seulement est un excellent moyen de prévenir les maladies des vins, mais encore qu’au lieu d’en compromettre les qualités exquises, il les développe et les fortifie. Les procès-verbaux des dégustations opérées dans le courant de l’année dernière par plusieurs membres de la commission syndicale des vins, à l’instigation de M. Pasteur, renferment à ce sujet des témoignages péremptoires. Des vins fins de Bourgogne, chauffés en bouteille à une température comprise entre 55 et 65 degrés, il y a sept ans, ont paru, au bout de ces sept années, supérieurs aux mêmes vins non chauffés. « Des personnes plus ou moins autorisées, dit M. Pasteur, avaient déclaré que le chauffage enlèverait avec le temps de la couleur au vin. C’est le contraire qui est vrai, quand on opère à l’abri de l’air : la couleur s’avive par le chauffage. Elles avaient dit : le chauffage altérera, avec le temps, le bouquet des grands vins ; cette opération les fera sécher, vieillarder. Tout au contraire, le bouquet paraît s’exalter avec les années et plus sûrement que