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chose étrange, — l’énergie toxique du sang de ces animaux augmente au fur et à mesure qu’on avance dans la série des inoculations. La culture du virus en exalte les propriétés malfaisantes. Cet accroissement graduel de la puissance virulente est tel qu’en empruntant une goutte de sang à un animal qui représente le vingt-cinquième terme d’une série d’inoculations successives, et en diluant cette goutte dans de l’eau de façon qu’une goutte de la dilution corresponde à un trillionième de la goutte primitive, on a un liquide dont la plus petite quantité manifeste encore une activité mortelle. Ces expériences de M. Davaine, dans lesquelles on voit le degré de nocuité s’accroître en raison inverse de la quantité apparente du poison, ont été répétées et confirmées par plusieurs physiologistes éminens, entre autres par M. Bouley ; elles ont produit dans les écoles de physiologie et de médecine une émotion qui dure encore. Indépendamment de la difficulté intrinsèque de concevoir l’influence de ces doses infinitésimales, on y a vu un argument de nature à fortifier les assertions de l’homœopathie. Si cette difficulté est réelle, quoique surmontable, cet argument, disons-le, n’a aucune valeur. Examinons d’abord la difficulté. Cette goutte encore mortelle, et qui ne représente qu’une fraction infiniment petite de la quantité primitive de matière toxique dont elle est parente éloignée, cette goutte ne laisse plus apercevoir aucun corpuscule. Cela est vrai ; mais elle en contient des germes, et des germes dont la dimension, le nombre et la fécondité sont tels que rien ne les empêche de repulluler indéfiniment, en dépit de tous les efforts tentés pour les faire disparaître. Les discussions qui viennent d’avoir lieu à l’Académie de médecine sur ce grave sujet, presque en même temps qu’on débattait dans l’Académie des Sciences la question des fermens, ne laissent aucun doute sur la réalité de cette repullulation des germes virulens par la culture. Est-ce maintenant un argument pour les homœopathes ? Pas le moins du monde. Les homœopathes attribuent dés effets curatifs à des doses extrêmement petites de certaines substances inorganiques dont l’inertie est évidente, et qui ne peuvent en aucune façon se reproduire. Si les élémens de la virulence déterminent des perturbations si profondes dans les organismes animaux, ce n’est pas à cause de leur extrême petitesse, c’est parce qu’ils se multiplient avec une rapidité prodigieuse au sein même des tissus et des humeurs, où ils travaillent dans un dessein contraire à l’harmonie du corps.

Quoi qu’il en soit, les vibrions et les bactéries jouent un rôle incontestable dans la production des maladies de l’homme. On les trouve dans le sang des individus atteints de maladies infectieuses, et s’ils n’ont, avec beaucoup de celles-ci, que des rapports de