Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la tête et le tronc ; il en est ainsi en réalité, car à l’époque de sa splendeur Autun traversait l’Arroux, et s’allongeait évidemment dans la plaine bien au-delà du temple de Janus, qui en est séparé aujourd’hui par un espace considérable. Ou bien une grande capitale, ou bien la campagne déserte, — la vue d’un tel emplacement ne laisse pas à la raison un troisième choix, et c’est par là que l’on sent tout ce qu’Autun a perdu, tout ce qu’il fut et tout ce qu’il n’est plus.

Il est également fort difficile de juger de la splendeur passée d’Autun par les monumens qui sont restés de l’époque romaine, d’abord parce qu’ils sont rares, ensuite parce qu’ils n’ont pas tout l’intérêt et toute l’importance historique qu’on pourrait croire. Ces monumens sont au nombre de cinq, les deux portes d’Arroux et de Saint-André, le temple de Janus, la pyramide de Couhard et le théâtre. Or de ces cinq monumens, deux, le temple de Janus et la pyramide de Couhard, sont d’origine incertaine et pour ainsi dire d’authenticité douteuse. On ne sait pas très bien si le temple de Janus était réellement un temple, ou s’il n’était pas une sorte d’ouvrage avancé construit pour des nécessités militaires pendant la longue période des invasions. Dans le cas où cette dernière hypothèse serait vraie, il serait difficile de s’expliquer à quoi pouvaient servir les niches pratiquées dans les encoignures des murailles, si elles n’étaient pas destinées à recevoir des statues. Il est très possible cependant que ces deux opinions soient vraies à la fois, et que ce temple de Janus ait servi en effet d’ouvrage de défense à une époque où sa destination première avait cessé déjà d’avoir sa raison d’être. Quant à la pyramide de Couhard, gigantesque maçonnerie compacte assise dans la campagne à quelque distance d’Autun, c’est un véritable logogriphe de pierre qui a résisté jusqu’à présent à toute la science des antiquaires, et devant lequel les archéologues les plus ingénieux, un Mérimée et un Stendhal par exemple, sont restés à court d’hypothèses tout comme le premier ignorant venu. Est-ce une gigantesque fantaisie barbare ? est-ce le tombeau d’un chef gaulois ? est-ce une maçonnerie destinée à servir de fanal ? Quoi qu’il en soit de ces deux monumens, une chose est certaine, c’est que, s’ils nous révèlent peu de chose sur le passé d’Autun, ils font admirablement bien dans le paysage. Les deux portes d’Arroux et de Saint-André, la première à pilastres corinthiens, la seconde à pilastres ioniques, nous en disent davantage. Ce sont en effet deux beaux ouvrages, mais qui ont l’air comme dépaysés au milieu des bicoques qui les entourent. De tous ces monumens, un seul nous parle avec une réelle éloquence de ce lointain passé, le théâtre, et cependant c’est à peine s’il en reste une pierre. Cela peut sembler un paradoxe excessif que d’avancer que le principal édifice