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rapport entre Jeannin et ses illustres correspondans diplomatiques, Henri IV, Villeroy, Sully lui-même ! Certes Villeroy est loin d’avoir la prudence et la sagesse de Jeannin, mais quelle netteté et quelle propriété d’expression, et que sa phrase simple, logique, allant droit au but, est agréable et facile à suivre quand on la met en regard de la phrase à méandres de Jeannin ! Les seules de ces dépêches qui soient vraiment belles cependant, ce sont celles de Henri IV. Voilà cette fois qui s’appelle parler. Quelle fermeté de ton ! quel royal langage ! Comme avec lui on s’élève au-dessus de ces misérables incidens que chaque jour amène, et comme on rapporte aisément chacun de ces incidens, aussi passager soit-il, aux principes premiers d’où toute politique découle ! Que ce style est moderne et se sent peu des régimes précédens ! Dans cette réunion d’hommes éminens d’autrefois que nous présentent les négociations de Jeannin, non-seulement Henri IV est le plus grand esprit, mais il est, et de beaucoup, le meilleur écrivain.


II. — AUXONNE : LA STATUE DE BONAPARTE ADOLESCENT, DE M. JOUFFROY. — FIXIN : LE MONUMENT FUNEBRE DE NAPOLEON PAR RUDE.

A Auxonne, de même qu’à Vézelay et à Avallon, on se sent déjà hors de la Bourgogne. Ici nous rencontrons la Saône pour la première fois, et pour la première fois aussi nous remarquons ce paysage reposant et un peu monotone de vastes prairies dont la Saône semble avoir le privilège exclusif, car il en accompagne les rives partout où nous avons pu la suivre, à Châlon, à Tournus, à Mâcon. D’autre part, le caractère des habitations change, les balcons commencent à y abonder tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et les façades bien dessinées, d’une régularité quelque peu fantasque, annoncent le voisinage d’une autre province. On s’aperçoit encore à d’autres signes qu’on se trouve, par suite des circonstances présentes, dans un pays particulièrement délicat pour le quart d’heure ; mais mieux vaut nous taire sur ce pénible sujet.

Le plus renommé des édifices d’Auxonne est l’église de Notre-Dame, construite par la duchesse Marguerite de Flandres, la femme de Philippe le Hardi, que les habitans d’Auxonne désignent traditionnellement, je ne sais trop pourquoi, sous le nom de la reine Blanche, galant sobriquet qu’elle dut peut-être à son teint de Flamande, mais qui ne laisse pas que de dérouter un instant le voyageur. Malgré le renom de Notre-Dame, nous en dirons peu de chose, car cette église est entièrement vide de témoignages historiques et ne rappelle aucun souvenir intéressant. Aucun saint n’a passé par là, aucun héros n’a dormi sous cette voûte, et, quand l’homme n’a pas laissé en un édifice la trace de son âme, il est