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comprit, comme Voltaire l’a dit de Condorcet, que des découvertes durables pouvaient l’illustrer autrement qu’une compagnie d’infanterie. Mécontent des systèmes de botanique en usage, il écrivit en six mois sa Flore française, précédée de la Clé dichotomique, à l’aide de laquelle il est facile, même à un commençant, d’arriver sûrement au nom de la plante qu’il a sous les yeux[1]. C’était en 1778, Rousseau avait mis la Botanique à la mode, les gens du monde, les dames s’en occupaient. Buffon fit imprimer les trois volumes de la Flore française à l’imprimerie royale, et l’année suivante Lamarck entrait à l’Académie des Sciences. Voulant faire voyager son fils, Buffon lui donna Lamarck pour guide avec une commission du gouvernement : il parcourut ainsi la Hollande, l’Allemagne et la Hongrie, et noua des relations avec Gleditsch à Berlin, Jacquin à Vienne et Murray à Gœttingue.

L’Encyclopédie méthodique commencée par d’Alembert et Diderot n’était pas terminée. Lamarck en écrivit quatre volumes, où il décrit toutes les plantes connues alors dont les noms commençaient par les lettres de A à P : travail immense, achevé par Poiret, et qui comprend douze volumes, lesquels ont paru de 1783 à 1817. Une œuvre plus importante encore, faisant également partie de l’Encyclopédie, citée perpétuellement par les botanistes, est intitulée Illustration des genres : Lamarck y donne les caractères de 2,000 genres, illustrés, comme le dit le titre, par 900 planches. Un botaniste seul peut se faire une idée des recherches dans les herbiers, les jardins et les livres que suppose un pareil travail. Lamarck suffisait à tout par son activité. Un voyageur arrivait-il à Paris, il était le premier qui vînt le voir. Sonnerat revient de l’Inde en 1781 avec des collections immenses : personne ne daigne les visiter, sauf Lamarck, et Sonnerat, indigné de cette indifférence, lui donne l’herbier magnifique qu’il avait rapporté. Malgré ce labeur incessant, la position de Lamarck était des plus précaires : il vivait de sa plume ; il était aux gages, des libraires. On lui disputa. même une chétive place de garde des herbiers du cabinet du roi. Comme la plupart des naturalistes, il se débattit ainsi contre les difficultés de la vie pendant quinze ans. Une circonstance heureuse améliora sa situation en changeant la direction de ses travaux. La convention gouvernait la France. Carnot organisait la victoire. Lakanal entreprit d’organiser les sciences naturelles. Sur sa proposition, le Muséum d’histoire naturelle fut créé. On avait trouvé des professeurs pour toutes les chaires, sauf pour la zoologie ; mais dans ces

  1. Une seconde édition de cette Flore française, publiée en 18156 par de Candolle, est encore l’ouvrage capital pour la connaissance des plantes de notre pays.