Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentiment et nerfs du mouvement, distinction confirmée depuis expérimentalement par Walker, Ch. Bell, J. Müller, Longet et Brown-Sequard. Ces physiologistes ont prouvé que ces nerfs communiquent avec la moelle épinière par des racines distinctes ; les uns sont uniquement sensitifs, c’est-à-dire aptes à transmettre les impressions extérieures ; les autres exclusivement moteurs, c’est-à-dire capables de produire le mouvement, soit par action réflexe, soit en transmettant les ordres de la volonté. Ainsi la langue reçoit deux nerfs principaux, le glosso-pharyngien, par lequel le cerveau perçoit les impressions tactiles et celles que les substances sapides produisent sur l’organe du goût, et le nerf hypoglosse, qui provoque les mouvemens que la langue exécute pendant l’acte de la mastication et l’exercice de la parole. Des impressions répétées, ajoute Lamarck, suivies des mouvemens qui en sont la conséquence sans intervention de la volonté, engendrent les habitudes ou le penchant aux mêmes actions qu’on observe chez les animaux[1]. L’homme lui-même, malgré son intelligence et sa spontanéité, est soumis à ces influences. Le grand mathématicien Laplace, analysant les causes des actions humaines, était arrivé aux mêmes conclusions que le naturaliste Lamarck, lorsqu’il a dit[2] : « Les opérations du sensorium et les mouvemens qu’il fait exécuter deviennent plus faciles et comme naturels par de fréquentes répétitions. De ce principe psychologique découlent nos habitudes. En se combinant avec la sympathie, il produit les coutumes, les mœurs et leurs étranges variétés ; il fait qu’une chose généralement reçue chez un peuple est odieuse chez un autre. » Laplace, comme Lamarck, admet l’hérédité de ces habitudes que l’on désigne vulgairement sous le nom d’instinct lorsqu’il dit : « Plusieurs observations faites sur l’homme et sur les animaux, et qu’il est bien important de continuer, portent à croire que les modifications du sensorium auxquelles l’habitude a donné une grande consistance se transmettent des pères aux enfans par voie de génération comme plusieurs dispositions organiques. Une disposition originelle à tous les mouvemens extérieurs qui accompagnent les actes habituels explique de la manière la plus simple l’empire que les habitudes enracinées par les siècles exercent sur tout un peuple et la facilité de leur communication aux enfans lors même qu’elles sont le plus contraires à la raison et aux droits imprescriptibles de la nature humaine. » Cette transmission des habitudes et des idées des parens aux enfans est désignée maintenant sous le nom d’atavisme. L’influence de ces habitudes et de ces penchans héréditaires se traduit, comme le dit Laplace, dans les mœurs des peuples et entretient la

  1. Tome II, p. 291.
  2. Théorie des probabilités, p. 233 et suivantes.